L'histoire :
Ce samedi d’avril, le RER se fait attendre en gare de Drancy. Il pleut averse et sur les quais, on peut lire sur les panneaux d’information municipale qu’une « journée nationale de la déportation » aura lieu au mémorial du camp. Car Drancy abritait durant les années noires du second conflit mondial un camp qu’aujourd’hui peu laisse deviner. Un monument, une stèle à la mémoire d’un disparu – « assassiné » (sic) à Auschwitz – des bâtiments désormais regroupant des logements à caractère social. De juin 1941 à l’été 44, le camp regroupait pourtant les Juifs et populations « inadaptées ». Un camp d’internement cependant, point d’extermination. Il fallut attendre jusqu’à très récemment pour qu’un « conservatoire historique au camp de Drancy » soit ouvert. Le temps de la mémoire. A des centaines de kilomètres de là, à Berlin, la guerre a laissé des traces plus prégnantes – même si l’on s’efforce de les effacer. Le mur bien sûr, et des rails interminables qui menaient à Dachau, à Auschwitz, hauts lieus de l’horreur nazie. Là-bas peut-être, le visiteur serait encore pris à la gorge, abruti par les chiffres, les clichés d’époque et les « restes » des gazés…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Drancy - Berlin - Oswiecim. Une gradation du pire. La narration de ce témoignage figuré par Gregory Ponchard et Philippe Squarzoni suit une ligne directrice remarquable. Le récit nous prend chez nous, en bas de notre chez soi, pour nous amener ailleurs en France d’abord, puis en Allemagne et en Pologne enfin. Qui pense lorsqu’il prend son RER à Drancy qu’il y’a 60 ans maintenant se tenait un camp d’internement nazi ? Un passé de triste mémoire que l’avenir s’empresse d’oublier. Dans les pas d’un reporter en quête de vérités, le lecteur s’interroge de même. Curieux de confronter sa mémoire faite d’images recomposées, l’homme d’aujourd’hui est avide des réalités passées. L’historien Pierre Nora eut cette fameuse expression parlant des « lieux de mémoire ». Page après page, la lecture gagne en intensité, touchant chaque fois plus près l’horreur commise. Les questions se bousculent ; les réponses se font rares. Il aurait été facile de se raccrocher aux nombres – qui donnent le tournis – ou aux leçons que l’on a apprises. La Vérité continue de se dérober sous nos pieds. L’ambiance d’Auschwitz est certes glaciale, cathédrale, et pourtant moins oppressante que l’on s’y attendrait. Sentiment de responsabilité collective, d’un devoir de mémoire péjoré par l’individualité. Insatisfaisant. Parfaitement documenté, cet album au trait photographique sobre vous travaillera au corps sans pour autant répondre à toutes les attentes. Là n’était pas le propos…