L'histoire :
En 1728, au port Elizabeth en Jamaïque, le noble gouverneur Maygun promène sa fille Apollonia sur le marché. Assisté par le colosse M. Six, il met en garde la petite contre les dangers innombrables de l’extérieur. Entre les charlatans, les voleurs, les assassins et les pirates, il connaît bien toutes les menaces puisqu’il possède cette île. Il est d’autant plus inquiet qu’ils doivent se rendre dans une auberge infâme : la roue de Dante, pour une tractation. Le lieu étant trop nauséabond, le gouverneur préfère parler seul avec son intermédiaire, M. Denny, et ordonne à m. Six de garder sa fille à l’extérieur de l’auberge. Apollinia, du haut du parapet, admire la magnifique voilure d’un immense bateau. En dessous d’elle, elle entend des jeunes enfants parler mais la conversation dégénère très rapidement. Deux garçons s’opposent à une jeune fille peu farouche. Les débats sont tellement houleux qu’ils en viennent à se battre avec des bâtons en guise d’épées. Finalement, la jeune et redoutable brune l’emporte et aperçoit Apollinia qui observait la scène. Apollinia lui demande son nom : elle est la fille maudite du capitaine pirate !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Attention : voici un album extraterrestre ! Le ton et le dessin vont surprendre plus d’un lecteur. En effet, cette bande dessinée est un mélange totalement loufoque d’univers, au graphisme unique. Le début est propre au genre du récit d’aventures et, comme le titre l’indique, on est dans une pure histoire de pirates. Les personnages aux trognes repoussantes, les épées brandies et les tavernes crasseuses sont autant de clichés du genre. Pourtant, on bascule petit à petit dans un univers de contes : l’héroïne est une enfant intrépide qui recherche son père pirate. Pour cela, elle va découvrir un monde totalement ahurissant peuplé de démons, de monstres et de géants. Imaginez Alice au pays des merveilles en pleine piraterie et vous aurez une idée juste de cet hybride entre L’île au trésor et Les voyages de Gulliver. De plus, les textes sont de véritables instants de poésie avec un style fleuri et ancien rendant superbement hommage aux récits d’aventure de l’époque. Le dessin est aussi une étonnante source d’évasion. Jérémy Bastian effectue un travail ahurissant en noir et blanc, proche des grands maîtres de la gravure tels Gustave Doré. Le trait est chargé d’enluminures, de cheveux ondulants et de longs pans de vêtements pour un rendu ultra baroque et complètement fou. Au milieu de ces détails abondants, on a presque du mal à distinguer les personnages qui sont parfois difformes sous le trait unique de Bastian. Malheureusement, passé l’effet de surprise et d’exotisme, on se perd dans cette aventure qui n’a ni queue ni tête. La recherche de la fille du capitaine pirate devient de plus en plus tordue et l’on a du mal à suivre les délires de plus en plus déstabilisants de l’histoire. De plus, le dessin incroyable se fait trop surchargé et perd en efficacité tant l’ensemble est saturé de détails et de hachures. D'un début passionnant et profondément original, la suite tourne vite à vide tellement la fille se perd dans les méandres d’un univers hermétique et excentrique. Même si le voyage vaut le détour, méfiez-vous des remous !
