interview Comics

Dave Gibbons

©Urban Comics édition 2016

Artiste légendaire originaire de Grande-Bretagne, Dave Gibbons a fait, comme beaucoup de ses congénères, ses armes dans la revue 2000A.D.. C'est là-bas qu'il côtoya un jeune scénariste dont la barbe ne fit que pousser dans les années qui suivirent : Alan Moore. Avec ce génie de l'écriture, le dessinateur va mettre en scène des récits majeurs dont l'un des plus grands comics jamais créés : Watchmen. Par la suite, il enchaîna aussi les collaborations prestigieuses avec Frank Miller ou Mike Mignola. Il se mit même à l'écriture pour d'autres artistes. Présent lors de l'édition printanière du Toulouse Game Show, Dave Gibbons a accepté de répondre à quelques unes de nos innombrables questions avec une grande gentillesse et évoquer une carrière très riche.

Réalisée en lien avec les albums Superman - Les derniers jours de Superman, Watchmen
Lieu de l'interview : Toulouse Game Show - TGS Springbreak

interview menée
par
23 avril 2016

Les propos de cet entretien ont été recueillis et retranscris par Sonia Dollinger.

Dave Gibbons Si vous étiez à notre place, comment présenteriez-vous la légende Gibbons ?
Dave Gibbons : J’essaierais de l’écrire sans faire de fautes ! En écrivant gros !

Vous avez débuté sur des titres cultes issus de la revue 2000AD ou sur Doctor Who. Quel regard portez-vous sur cette époque ?
Dave Gibbons : 2000AD a été un moment très important dans l’histoire de la bande dessinée britannique parce que beaucoup de gens de ma génération lisaient de la bande dessinée importée des Etats-Unis à partir de la fin des années 50. Et quand 2000AD a commencé, c’est-à-dire aux alentours de 1977, nous avions l’âge et l’expérience nécessaires pour commencer à faire de la bande dessinée telle que nous l’aimions. Il y avait un formidable esprit de corps. Doctor Who était une série télé extrêmement populaire, pour moi, c’était vraiment quelque chose de très chouette de travailler sur quelque chose que tous mes voisins et tous mes amis connaissaient bien et appréciaient. C’est le genre de chose que j’apprécie beaucoup parce qu’il y a à la fois de l’action, de l’imagination et de l’humour. Ce qui est amusant, c’est qu’il y a un numéro du magazine Doctor Who, le numéro 500, qui va sortir bientôt pour lequel je vais faire quelques pages pour célébrer l’évènement. De la même manière, 2000AD va atteindre le numéro 2000 et nombre d’entre nous allons revenir pour faire quelques pages à l’intérieur. C’est un scoop !

Vous avez collaboré avec deux légendes du comics, Alan Moore et Frank Miller. Quelles sont les différences selon vous entre les deux auteurs ? Avez-vous des anecdotes sur la façon dont ils travaillent ?
Dave Gibbons : J’ai souvent dit à ce sujet, du moins en anglais, pas en français, c’est que je les comparais à la manière de musiciens. Alan Moore, pour moi, ce serait Mozart, qui a toute la symphonie dans la tête tandis que Frank Miller est plutôt comme Miles Davis qui a un air en tête mais part dans toutes les directions. Tous les deux sont vraiment des génies et j’ai eu beaucoup de chance de travailler avec eux.

Dave Gibbons Si l’on demandait aux gens le titre qu’ils retiendraient de vous, ils diraient probablement Watchmen mais pour vous, quel est le titre qui vous représente le mieux ?
Dave Gibbons : C’est devenu Watchmen parce que c’est ce qu’on me demande toujours de dessiner et c’est le comics que l’on met toujours en avant lors de mes apparitions publiques. Je suis très heureux d’être identifié à cette œuvre et c’est probablement, de toutes les œuvres sur lesquelles j’ai travaillé, celle qui perdurera. Mais parmi les histoires que j’ai préférées, il y a des histoires courtes pour 2000AD, avec Alan Moore. Et il y a bien sûr Martha Washington que j’ai faite avec Frank Miller et qui totalise davantage de pages que Watchmen ! Et j’aimerais d’ailleurs que l’on puisse reprendre cette série un jour. Une autre de mes histoires préférées, sortie dans 2000AD, c’était Terra-Meks, sur des robots géants qui détruisaient une ville, écrite par Pat Mills.

Vous êtes un très grand dessinateur et un scénariste émérite mais vous avez rarement fait les deux en même temps, est-ce un choix, est-ce par manque de temps ?
Dave Gibbons : Quand j’étais enfant, alors que je souhaitais faire des comics mon métier, je pensais que c’était la même personne qui scénarisait et dessinait les comics mais quand j’ai percé dans les comics, ça m’a été plus facile de vendre des dessins que des scénarios. Mais, tout particulièrement après le succès de Watchmen, les éditeurs voulaient surtout mon nom sur les couvertures parce ce que c’était ça qui reliait à Watchmen. Mais j’aime beaucoup écrire et je suis très heureux d’avoir eu la chance de travailler avec de grands artistes comme Mike Mignola, José Luis Garcia Lopez, Steve Rude…

Parmi tous les personnages sur lesquels vous avez travaillé, sur lequel avez-vous pris le plus de plaisir ?
Dave Gibbons : Quand j’étais enfant, mon personnage préféré était Superman qui est en fait l’ancêtre de tous les super-héros. Pour moi ce fut très chouette de pouvoir travailler sur une histoire de Superman écrite par Alan Moore qui s’appelait « Pour celui qui a déjà tout » Dave Gibbons et dont le responsable éditorial était Julius Schwarz qui éditait tous mes comics préférés, quand j’étais petit. C’est comme si, soudainement, toutes les planètes s’étaient alignées !

Que pensez-vous de l’adaptation de cette histoire et des adaptations de Superman plus largement ?
Dave Gibbons : Effectivement, « Pour celui qui a déjà tout » a été adapté en dessin animé [NDLR : dans la série Justice League Unlimited, en 2004] et j’ai trouvé ça extrêmement réussi. En plus, ce qui était une bonne surprise, cela m’a valu de toucher un peu d’argent. J’ai beaucoup de respect pour Bruce Timm qui était la tête pensante du projet, qui a fait beaucoup d’effort pour restituer une adaptation fidèle. Par contre, je n’ai pas vu l’adaptation de Supergirl, à l’exception de quelques images qui avaient l’air de bonne facture. Je serais curieux de la visionner. Les films font de Superman un personnage extrêmement sombre et ce n’est pas la vision que j’ai de lui. Moi, je le vois plutôt de la manière dont je l’ai écrit dans à savoir comme un personnage en contraste avec Batman. Je trouve que c’est intéressant de voir qu’aujourd’hui, dans la plupart des films de super-héros, on commence à revenir vers des personnages assez lumineux, vivants, plutôt que vers des choses très sombres comme on en a déjà vues. Si ça dépendait de moi, c’est exactement ça que je ferais.

Si vous aviez le pouvoir de visiter le crâne d’un autre artiste pour en comprendre le génie, qui iriez-vous visiter ?
Dave Gibbons : En général, c’est vraiment le chaos dans la tête des artistes, j’ai déjà de quoi faire avec ma propre tête ! Cela étant dit, comme je l’ai précédemment mentionné, Jose Luis Garcia Lopez est un de mes artistes préférés et j’ai eu la chance d’avoir pu encrer ses crayonnés, ça m’a donné l’occasion de voir comment il travaillait et ça a été une opportunité fantastique que d’avoir alors pu observer son travail et ça a été très enrichissant pour moi.

Merci Dave !

Remerciements spéciaux à l'organisation impeccable du festival et à Paul Renaud.

Dave Gibbons