interview Bande dessinée

Dylan Teague

©Delcourt édition 2015

Travaillant depuis le milieu des années 90 pour la revue 2000AD, Dylan Teague est l'un des rares dessinateurs anglais à avoir traversé la Manche pour illustrer des bandes dessinées. Son talent a pu éclater aux yeux des lecteurs grâce à deux formidables titres publiés au sein des séries concepts "Le casse" et "La grande évasion". Présent début décembre lors du Lille comics festival, nous avons rencontré un artiste réservé et sympathique qui nous a annoncé poursuivre l'aventure chez un certain éditeur belge...

Réalisée en lien avec les albums La Grande évasion T7, Le casse T1
Lieu de l'interview : Lille Comics Festival

interview menée
par
8 février 2015

Bonjour Dylan Teague, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Dylan Teague : Je m'appelle Dylan Teague et je travailles dans l'industrie des comics depuis une vingtaine d'années. J'ai commencé en 1995, chez 2000AD. J'ai fait beaucoup de choses là-bas et aussi quelques unes chez DC Comics et chez Marvel. Et, il y a quelques années, j'ai commencé à travailler pour un éditeur français, Delcourt, chez qui j'ai travaillé sur deux titres. Et en ce moment, je travaille aussi avec un éditeur belge.

Quelles sont tes influences ?
Dylan Teague : A mes débuts, je m’intéressais surtout aux artistes britanniques comme Steve Dillon, Brian Bolland ou Dave Gibbons. Mais il y a aussi eu Moebius, Enki Bilal, Milo Manara et Serpieri et c'est ce qui m'a incité à me plonger dans les bandes dessinées françaises.

Comment décrirais-tu ton style ?
Dylan Teague : Auparavant, ça s'inscrivait dans un style plutôt britannique, à l'époque où je travaillais uniquement en crayonné/encré. Mais, plus récemment, je me suis mis à la colorisation digitale et aux feutres et j'essaie de faire en sorte que ça ait l'air plus européen.

Comme tu l'as mentionné, tu as précédemment travaillé pour le marché britannique et même pour le marché français mais aussi pour le marché américain. Quelles sont selon toi les différences entre ces différents marchés ?
Dylan Teague : Travailler pour 2000AD, c'est très simple. Ils t'envoient juste le script, ils te donnent la deadline et à toi de leur envoyer les planches. C'est tout. J'ai trouvé que travailler aux Etats-Unis était très difficile : les deadlines sont très courtes et je ne suis très rapide, comme dessinateur. [rires] J'ai trouvé ça très stressant. Le marché français se situe entre les deux. Les deadlines sont plus larges mais ils sont très exigeants et il faut sans cesse envoyer les brouillons et esquisses et après, ils t'envoient des notes et commentaires te précisant ce qu'il faut changer et, aussi, il faut assurer soi-même le lettrage, ce qui est assez...

Tu as illustré plusieurs personnages, pour 2000AD, dont Judge Dredd et Sinister Dexter. Que penses-tu de l'univers science-fiction de 2000AD ?
Dylan Teague : C'est une des choses que je préfère avec 2000AD. J'adore illustrer des récits de science-fiction, ça permet entre autres de pouvoir réellement exprimer son propre style à travers les personnages. Il n'y a pas de look définitif pour Judge Dredd. Il y a une description de base, mais on peut s'en écarter autant qu'on le souhaite.

De quel titre est-tu le plus fier ?
Dylan Teague : J'ai co-créé un personnage nommé Rose O'Rion pour 2000AD. Elle n'a pas fait long feu mais c'était très enthousiasmant d'avoir l'opportunité de créer un personnage à part entière.

Tu aimerais refaire ça, à l'avenir - créer de nouveaux personnages ?
Dylan Teague : En ce moment, je travaille sur une histoire pour Aces Weekly, le magazine de David Lloyd. Je suis à la fois auteur et illustrateur. Et même si c'est très difficile, je trouve ça extrêmement satisfaisant. Si on est capables d'assurer sur tous les postes, c'est idéal. Mais ça prend beaucoup de temps. [rires]

En parallèle avec 2000AD, tu travailles aussi pour DC Comics, sur Jonah Hex entre autres. C'est un univers et des personnages très différents de ceux de 2000AD. Comment appréhendes-tu cet univers ?
Dylan Teague : J'ai trouvé ça très difficile au départ car je n'avais jamais illustré de western auparavant. Mais beaucoup d'artistes que j'apprécie dessinent dans ce genre comme Moebius avec Blueberry ou François Boucq avec Bouncer. Mais j'ai eu un mal avec les chevaux. [rires]

Comment es-tu entré en contact avec Delcourt ?
Dylan Teague : Je connaissais deux Italiens, un dessinateur et un auteur, nommés Luca Blengino et Luca Erbetta. Et ils avaient reçu une proposition de la part de Delcourt pour réaliser une mini-séries en quatre tomes. Ils m'ont chargé de la conception des personnages puis ils m'ont demandé si je pouvais l'illustrer mais ça n'est pas allé plus loin. Un an plus tard, David Chauvel m'a recontacté car il avait pu voir mes dessins sur les réponses attachées à l'offre initiale et il m'a proposé une série.

Cette série, de Luca Blengino et Luca Erbetta, ce ne serait pas dans un univers japonais, non ?
Dylan Teague : Non, le projet n'a jamais abouti. ça parlait de la Mafia russe et ça allait suivre la vie d'un petit garçon à mesure qu'il allait grandir et devenir un boss du milieu.

Tu as illustré deux bandes-dessinées, en France, dont Le Casse, avec Christophe Bec. Etait-ce plus difficile de collaborer avec un français par rapport à un britannique ou un américain ?
Dylan Teague : Non, le script avait été très bien traduit et était tout à fait compréhensible. Et comme Christophe est lui-même dessinateur, c'était très marrant parce qu'il sait comment organiser à l'avance une planche et on n'a donc jamais de problème technique avec la narration visuelle. En plus, il te laisse assez de place pour des grandes cases où tu peux t'exprimer. Il est parfois difficile, avec certains scripts, de bien suivre l'histoire car il y a des plans trop proches ou trop éloignés tandis qu'avec Christophe, on sent qu'il a déjà réfléchi à tout ça. ça a donc été très simple d'illustrer son script.

A l'inverse, sur La Grande Evasion, tu as travaillé avec Serge Lehman qui est surtout romancier. Était-ce difficile de restituer sa vision ?
Dylan Teague : Avec Serge, ça se voyait qu'il était plus intéressé par les personnages, les dialogues et les interactions. Comme l'histoire se déroulait dans une prison souterraine, on n'avait pas autant le besoin de grands dessins descriptifs. Mais c'était quand même très sympa. Il s'agissait plus d'une étude de personnages que l'autre titre qui ressemblait plus à un journal de bord, où il fallait décrire plein de paysages comme la Russie ou la mine de diamants. Asylum est plus une histoire psychologique.

Je crois savoir que Serge communique de nombreux documents à ses dessinateurs, en a-t-il fait de même avec toi ?
Dylan Teague : Non parce qu'à mon avis, comme ça se passait dans une prison souterraine, il s'est contenté de m'envoyer le script et il m'a dit de me référer à des films comme THX 1138 et au concept général d'un Big Brother.

Quelle est ton actualité et quels sont tes prochains projets ?
Dylan Teague : Ça va sonner... ça s'appelle Starfuckers ! [rires] C'est une comédie assez légère, sexy, avec des stripteaseuses...

et c'est quoi, déjà, le titre ?
Dylan Teague : [gêné] Starfuckers [rires]

Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un autre auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Dylan Teague : A mon arrivée, Julien, qui gère le Lille Comics Festival, a eu la gentillesse d'organiser une rencontre entre moi et François Boucq. C'était très intéressant de discuter avec lui et c'est un de mes dessinateurs préférés. Donc je dirais François Boucq.

Qu'est ce que tu souhaiterais y trouver ?
Dylan Teague : Il me parlait de ses méthodes de travail. Il passe sa matinée dans son lit, à visualiser la planche qu'il va dessiner, les détails. Puis il se lève et, rapidement, esquisse ce qu'il a visualisé. J'aimerais en être capable.

Merci Dylan !

Remerciements à Arno et à l'organisation du Lille Comics festival, et à Alain Delaplace pour la traduction.

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