interview Bande dessinée

Hub

©Delcourt édition 2006

De bon matin, Humbert Chabuel, alias « Hub », nous reçoit sous la tente VIP des éditions Delcourt à Angoulême (2006). A la vue de sa réussite, il aurait pu nous prendre de haut. Mais non, le bonhomme se montre très sympathique, se livre simplement et finit par nous confier ses secrets. Et quel talent ! Bonne nouvelle : « l’une des force de Okko sera la régularité dans la parution ». Après le cycle de l’eau, viendra donc très bientôt celui du second élément, la terre…

Réalisée en lien avec l'album Okko – cycle 1 : Cycle de l'eau, T2
Lieu de l'interview : Angoulême

interview menée
par
13 février 2006

Bonjour Hub ! Comment vas-tu de bon matin ? Pour toi, nouveau venu dans le monde de la bd, est-ce ta première participation à Angoulême ?
Hub : Tout va bien, merci. C’est ma deuxième participation au festival international de la bande dessinée et j’ajoute que cela part très fort. Une marée humaine, un flot ininterrompu de festivaliers. Des têtes que l’on reconnaît, d’autres non. Bref, particulier, mais aussi un peu fatiguant. D’autant que j’y reste les quatre jours, de l’ouverture hier jeudi à la clôture dimanche après-midi.

Lorsqu’on lit ta biographie officielle sur le site des éditions Delcourt, on apprend que tu as toujours rêvé de faire de la BD. Vrai ?
Hub : Tout petit déjà, je reprenais les personnages des auteurs classiques, depuis Tardi et Hergé, jusqu’à des styles plus éloignés. Je m’accaparais leurs personnages et inventait des histoires. Donc, effectivement, depuis mon plus jeune âge, je rêvais de faire de la bd.

Pourquoi avoir choisi un pseudonyme « Hub », ou plutôt un diminutif de ton prénom (Humbert Chabuel) ?
Hub : Aucun problème particulier avec mon prénom. En fait, j’ai eu une première mauvaise expérience il y a environ huit ou neuf ans. Conjointement avec trois autres auteurs, on a sorti un album chez Glénat dont je tairai le titre. Le produit n’était pas bon, manquant de cohérence à tous les niveaux. Pour ma part, je m’occupais du crayonné avant qu’un second ne l’encre. Il m’a fallu tout ce temps pour gommer cette première cicatrice sur laquelle je ne désire plus m’attarder. J’ai donc vraiment voulu créer une rupture afin que l’on ne puisse plus associer les deux choses. Un besoin de me recréer, gommer le passé, du moins une partie, et repartir sur une page blanche.

Il est difficile de croire que tu travailles seul à la vue du résultat…
Hub : J’ai envie de faire les choses par moi-même, gérer tout de A à Z pour être sûr que le rendu soit conforme à ce que je souhaite. Alors, je travaille effectivement seul, à l’exception des couleurs confiées à Stéphane Pelayo qui m’aide pas mal et dont je salue le boulot remarquable. Par ailleurs, les éditions Delcourt me conseillent et me suivent. Leur retour permet de me rassurer par rapport à ce que je fais. A mes yeux, ce soutien éditorial demeure primordial. Lorsque j’ai proposé la série Okko, j’avais deux pistes dont une que je ne sentais pas trop. Chez Delcourt, ils ont été immédiatement réceptifs et ils ont bien compris l’esprit dans lequel je voulais développer la série. C’est très agréable d’avoir un interlocuteur qui perçoit où l’on souhaite aller. Je le répète souvent, mais tout se passe comme je le rêvais. Un vrai conte de fée ! Pourtant, c’est une réalité. Et cela semble d’autant plus incroyable que c’est rare. Souvent, lorsqu’on entame un projet, il est par la suite sali par des choses qui viennent s’y ajouter. Alors, pour l’instant, ça reste une très belle aventure qui se déroule selon ma pensée, et ça, c’est vraiment très sympa.

Après le succès du premier tome, étais-tu attendu au tournant ?
Hub : Un second tome est forcément beaucoup plus difficile qu’un premier « découverte », qui bénéficie de l’effet de surprise. Ce dernier ayant plutôt bien marché, l’attente génère toujours une certaine pression. Surtout que j’ai souhaité compliquer encore la chose. L’univers graphique de la première partie me paraît plus simple, « juste » une quête sur l’eau, avec une variété de paysages naturels. Au contraire, le décor plus angoissant et claustrophobe d’un grand château procure une impression de huit clos et exige un visuel plus austère, contraignant. Deux tomes en complète opposition. Un challenge. Mais je ressentais le besoin de cette radicalité afin de boucler ce cycle d’exposition et montrer à quoi pouvait ressembler Okko.

Ton expérience cinématographique aux côtés de Luc Besson sur le Cinquième élément t’a-t-elle directement inspirée ?
Hub : Si le rapprochement peut sembler évident, cela n’a pourtant rien à voir. L’architecture de la série s’inspire d’un jeu de rôles appelé la légende des cinq anneaux. Il a pour cadre un Japon fantastique d’où des points de ressemblance avec Okko en dépit de nombreuses différences. Dans la philosophie japonaise, cette structure des cinq éléments se concluant par le vide revient fréquemment. Tout cela m’inspirait. J’y ai donc greffé les personnages du rônin et de ses compagnons. On peut y voir un clin d’œil en hommage à un jeu de rôles magique plus qu’au film de Besson qui reste néanmoins une excellente expérience professionnelle.

Comment travailles-tu ? Pourquoi avoir choisi d’installer d’emblée quatre héros là où la grande majorité des auteurs optent pour deux ?
Hub : Le cycle était écrit entièrement depuis le début. J’avais notamment pensé au tsunami bien avant l’événement tragique qui eut lieu l’année dernière. Je ne l’ai donc ni rajouté ni retouché tant il occupait une place primordiale en référence à l’eau. Je reste cependant très instinctif au niveau du scénario comme de sa construction. Je n’essaye pas d’appliquer des règles pré-établies ou des chiffres d’or. Peut-être ai-je installé un groupe assez important de protagonistes parce que, encore une fois, j’ai été un joueur de jeu de rôles, ces jeux qui proposent une multitude de personnages aux particularités prononcées et appartenant à des corps de métier différents. Toujours ces résonances sans que ma BD en soit une redite. Mon passé de rôliste est une explication parmi d’autres. En effet, Okko est peut-être le leader du groupe mais il n’est pas toujours le plus charismatique. J’attache autant d’importance aux trois autres. Et plutôt que de mettre untel sous une loupe et les autres en retrait, j’aime pouvoir « switcher » mes personnages. Les mettre l’un dans l’ombre, l’autre dans la lumière, puis inverser.

Connais-tu personnellement le Japon ?
Hub : Je n’y ai jamais mis les pieds et pour cause, j’ai peur de prendre l’avion ! Un cauchemar. Ça limite considérablement mes horizons. Chez moi, mon intérieur ressemble de plus en plus à ce que l’on se représente de l’Extrême-Orient. Bizarrement plus du fait de mon amie (car pour ma part, en déco, je suis une buse !). Le mélange de l’Orient et de l’Occident. Un aspect qui me tient à cœur et que l’on retrouve dans mon dessin notamment au niveau des visages. Chaque diptyque s’attachera à faire découvrir un aspect méconnu de la culture japonaise à l’instar des vampires Pennagolans dans ce premier cycle aquatique.

Justement, un mot sur la suite. Tes chevilles n’ont-elles pas enflées ?
Hub : Plus heureux que fier. Je ne peux que rester humble lorsque je constate la qualité graphique et scénaristique de nombreux autres titres, surtout que ce n’est qu’un début. Si l’amorce est très positive, je me ressens encore comme quelqu’un de fragile, non établi sur plein de niveaux. Après le cycle de l’eau, viendra donc celui de la terre : préparer vos manteaux, écharpes et bonnets ! Puis, les éléments du feu et de l’air avant de terminer par le cinquième dédié au vide. De plus en plus évanescent jusqu’à toucher une notion connotée proche de la perfection dans la philosophie japonaise. A l’exception de la conclusion dont le nombre n’est pas arrêté (deux, trois, voire quatre ?), c’est ma volonté que de les présenter toujours en diptyque afin de fournir au lecteur une histoire complète en deux tomes avec néanmoins un fil conducteur : les personnages. Ils évolueront et révéleront chaque fois un peu plus de leur passé. J’aime bien ne pas tout fermer et laisser la place à l’imagination, au possible, comme cette jarre du nouveau né vampire, jetée à l’eau mais dont quelques gouttes s’échappent… Un clin d’œil au cinéma fantastique. Sinon, l’une des forces de Okko sera, je l’espère, sa régularité dans la parution.

Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Hub : Watchmen d’Alan Moore. Visuellement au début, on peut avoir envie de refermer le livre, mais c’est énorme !

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Hub : Myasaki. Classique mais je pense qu’il demeure une des personnes qui a le plus compté ces dernières années. Il inspire tant de dessinateurs et scénaristes par la poésie d’œuvres telles que Princesse Mononoké ou Mon voison Totorro. Incontournable.

Merci Hub !