interview Manga

Les mystérieuses cités d'or - Jean Chalopin

©Kazé manga édition 2013

« Qui n'a jamais souhaité voir le Soleil souverain guider ses pas au cœur du pays Inca, vers la richesse et l'histoire des Mystérieuses Cités d'Or ! ». Ces mots, que beaucoup d'entre nous connaissent par cœur, nous les devons entre autres à Jean Chalopin, considéré comme l’un des trois grands créateurs du célèbre dessin animé Les Mystérieuses cités d’or (mais aussi d’Ulysse 31, Jayce et les Conquérants de la Lumière, les Bisounours, Inspecteur Gadget, Les Minipouss et bien d’autres !). Diffusée pour la première fois en France en 1983, voici 30 ans après que la série connaît une nouvelle jeunesse grâce à de multiples projets, le principal étant bien sûr la mise en chantier d’une seconde saison et la diffusion des premiers épisodes de celle-ci. Autour de cette suite, mais aussi de l’ancienne série, des jeux vidéo, des expositions, des événements, des conférences... mais aussi des adaptations BD en tout genre ! Quoi de plus logique alors pour cette création franco-japonaise qu’était la première série de se voir adaptée en manga par un dessinateur français ? Pour en savoir plus sur ce projet, nous sommes allés à la rencontre des différentes personnes qui ont écrit à l’époque et écrivent encore aujourd’hui la légende des Mystérieuses cités d’or. Premier sur notre liste : Jean Chalopin...

Réalisée en lien avec l'album Les mystérieuses cités d'or T1
Lieu de l'interview : chez TF1

interview menée
par
27 mai 2013

Pouvez-vous nous parler de l’adaptation manga des Mystérieuses cités d’or qui viennent de sortir ? Avez-vous participé de près ou de loin à ce projet ?
Jean Chalopin : Non je n’y ai pas participé, je ne l’ai même pas vu du tout. C’est Bernard Deyriès qui a suivi ça. Vous savez, Bernard et moi on a travaillé ensemble depuis qu’il a 17 ans - moi j’en avais 14 - donc on se connaît depuis quelques années. On a travaillé ensemble sans discontinuer pendant tout ce temps, donc si Bernard est impliqué dedans, je ne suis pas inquiet.

En ce qui concerne la saison 2 des Mystérieuses cités d’or qui vient d’être réalisée et qui est diffusée actuellement, vous êtes impliqué dans l’écriture. Est-ce que vous projetez de participer aussi aux scénarios des futures adaptations BD ?
Jean Chalopin : Probablement pas, je n’ai pas le temps malheureusement. Sur les scripts de la série oui, mais ça me prend déjà beaucoup de temps...

J'ai entendu une rumeur sur l'adaptation en anime comics de la première série. Cela veut dire que vous avez le matériel, les bandes vidéo pour pouvoir réaliser cela ? Il me semblait que le matériel n’existait plus...
Jean Chalopin : Oui, le matériel n’existe plus aujourd’hui. Il faudrait recomposer à partir de l’image. A l’époque, on faisait tout à la main et on ne savait pas que les celluloïdes avait de la valeur, donc on les brûlait. On a brulé des centaines de milliers de cellos ! Ulysse 31, Inspecteur Gadget... Ca prenait de la place, et on avait de tous petits bureaux à Tokyo, de tous petits bureaux à Taïwan, et tous les 6 mois environ on amenait ça à l’incinérateur... Aujourd’hui, un ensemble cello-décors, ça vaut parfois des milliers d’euros... Si on les avait gardés, je peux vous dire qu’on serait très riches aujourd’hui ! On ne savait pas que ça aurait du succès, on ne savait pas qu’on était en train de créer des histoires aussi populaires. Vous savez, je crois que les auteurs, quand ils sont en train de travailler, ils ne savent jamais à l’avance...

annonce manga cite d’or tome 1 Si la nouvelle version des Mystérieuses cités d’or et les adaptations quelles qu’elles soient (manga, BD, anime comics) ont du succès, pensez-vous que plus tard, quand vous en aurez terminé avec les cités d’or, vous pourriez relancer des projets identiques en dessin animé ou en BD avec par exemple Ulysse 31 ou d’autres séries de l’époque ?
Jean Chalopin : Peut-être, j’espère... J’ai aussi une autre série feuilleton que j’ai faite à l’époque, « Les jumeaux du bout du monde », qui a aussi des clubs de fans. C’est quelque chose que j’ai fait vraiment tout seul car à l’époque je n’étais plus dans la société, et c’est une œuvre très personnelle. Cela m’avait pris beaucoup de temps aussi... Et bien il y a en Australie un club de fans extraordinaires, militants, qui veut produire une nouvelle série. Mais là, les droits sont avec Disney, alors j’ai du mal à les récupérer. Pour récupérer des droits chez eux, c’est dur ! Les droits, chez Disney, ils s’assoient dessus, comme sur un trésor, et après ils ne bougent plus !

Considérés comme les créateurs de la première série des Mystérieuses cités d’or, il y avait vous, Bernard Deyriès et Mitsuru Kaneko : quel a été votre rôle précisément à l’époque ?
Jean Chalopin : J’avais travaillé avec Kaneko de façon très proche. Ce n’est pas un écrivain, c’est un producteur qui a récupéré les droits, c’est un ami et il était le coordinateur de l’ensemble. Donc on s’est retrouvé Bernard, moi, et plein de gens autour à travailler ensemble car c’était un travail d’équipe. Je suis celui qui a pris la plume à la fin, mais on était plein. Je suis celui qui a mis tout cela sur papier car Bernard n’écrivait pas non plus. Mais on a partagé ça ensemble : son imaginaire visuel a complétement influencé mon écrit. C’est indissociable. De la même façon, lorsque les japonais arrivaient avec un personnage ambigu, automatiquement cela influençait ce qu’on faisait. C’est très difficile de dissocier qui a fait quoi... J’étais simplement celui qui était la plume française.

Les versions japonaises étaient-elles un peu différentes de ce qu’on a vu en France ?
Jean Chalopin : Pas du point de vue des histoires. Le montage est le même aussi. Les musiques sont différentes, les voix aussi bien-sûr... C’est à la création que nous avons rajouté des choses en France à l’époque, des choses que les japonais n’aimaient pas, par exemple le personnage de Pichu, ou encore Sancho et Pedro. Il a fallu les imposer... Par contre les relations père-fils, la recherche du père, tout cela est très japonais. J’ai vécu au Japon pendant beaucoup d’années, je parle japonais, donc j’ai vécu très proche de ça, et aujourd’hui encore cela reste un thème très japonais.

Même question à propos de la nouvelle saison des Mystérieuses cités d’or : quel a été précisément votre rôle par rapport au scénario ?
Jean Chalopin : Je n’ai pas écrit les scénarios des épisodes, je n’ai fait que des synopsis. J’étais impliqué sur toute la ligne narrative, les étapes, l’esprit des personnages, le contenu global de chaque histoire, l’ajout du mystère, les ambiances, les temples, le choix de la Chine ou des autres pays qui vont suivre...

Vous avez quand même un gros rôle en amont alors…
Jean Chalopin : En amont et en même temps. Tout s’est fait en amont ensemble, puis au fur et à mesure je recevais en même temps que TF1 le conducteur, le synopsis, etc. Puis ensuite le script, et je faisais mes notes sur chaque version pour apporter mes modifications : « ce personnage ne peut pas dire ça, untel devrait faire ça à tel moment, là Zia est trop masculine... ». Zia, dessinée par Thomas Bouveret dans le manga des cités d’or Zia est un personnage un peu comme une femme japonaise au départ, et TF1 voulait la rendre plus européenne mais il faut faire attention à ne pas casser le personnage. Donc il faut garder le rôle : elle est plus aventureuse qu’elle ne l’était dans la première série, mais il fallait la garder un peu comme avant quand même sinon on perdait le personnage. C’est toujours cette difficulté de garder les personnages en les faisant mûrir malgré tout... Kaneko est aussi très impliqué dans la nouvelle série, je le vois très souvent. Il va venir en France d’ailleurs, au mois de juin je crois à l’occasion d’une grande exposition dans le sud de la France. Il a beaucoup travaillé aussi sur la nouvelle série donc, notamment sur la prochaine saison qui se déroule au Japon, pour laquelle il a fait un gros travail de recherche très en amont. Il a aussi travaillé sur les épisodes en Chine. Comme moi, il ne travaille pas directement sur les scénarios, ce n’est pas un écrivain, mais sur les idées. C’est un visionnaire et il a des idées très précises. On travaille de manière étroite, et il est aussi en contact avec beaucoup de fans, notamment Gilles Broche de l’association des enfants du soleil (qui a réalisé les textes des 14 pages bonus à la fin du premier tome du manga, ndlr).

Ci-dessus, Zia, dessinée par Thomas Bouveret dans le manga des cités d’or


La nouvelle série passera-t-elle à la TV au Japon ?
Jean Chalopin : Ce n’est pas du tout évident, le Japon est un marché extraordinairement fermé. Les Mystérieuses cités d’or n’ont jamais été un succès là-bas. Il y a des raisons historiques : au Japon à l’époque, NHK ne diffusait pas de dessin animé, et les Mystérieuses cités d’or est donc le premier à avoir été diffusé sur cette chaîne. Il fallait un alibi culturel pour que ça passe, et puis c’était diffusé à de ces heures ! Mais il n’y avait pas une habitude d’audience. C’est-à-dire que face à face avec Fuji 8, TV Asahi ou Nippon Television, qui avaient des rendez-vous animation, l’audience était très faible. C’est passé sur le satellite au Japon, et c’est connu un petit peu seulement, sous le nom de « Taiyô no ko Esteban », qui signifie « Esteban le fils du soleil ». Ca n’a jamais décollé comme en France, en Angleterre, ou en Australie.

Pour cette nouvelle série, il y avait une grosse attente des fans, et finalement il y a eu beaucoup de critiques avant même que ne soient diffusés les premiers épisodes. Qu’est-ce que vous diriez maintenant à ces gens qui avaient cette attente et qui se sentent peut-être trahis par rapport à la première série ?
Jean Chalopin : Il y a quelque chose dont je suis certain et qui est vrai pour tous, et à ce sujet il y a une histoire que j’aime bien raconter. Quand j’étais enfant, je vivais dans une maison à Paris qui avait un petit jardin, et il y avait quelques arbres dans ce jardin, et mon souvenir d’enfance, c’est que pour moi c’était une forêt ! Quand je suis retourné à 22 ans, j’ai découvert que le bois en question était grand de quelques mètres à peine. Le souvenir de l’enfance magnifie les choses, les rends spectaculaires. Plein de gens qui ont vu les Mystérieuses cités d’or à l’époque et n’ont pas revu le dessin animé depuis se souviennent d’un truc extraordinaire. La réalité, c’est qu’on avait très peu de moyens, l’animation était très pauvre. La seule chose c’est qu’on avait des personnages et une histoire extraordinairement porteurs, mais le reste était d’une pauvreté presque misérable. Il y avait des cellos tirés (quand on fait bouger un cello sans l’animer, en le glissant), et des tas de choses comme ça... Le souvenir de l’enfance, c’est tellement plus beau, on ne pourra jamais gagner là-dessus. On pourra faire l’œuvre la plus belle du monde, ce ne sera jamais aussi bon que notre souvenir d’enfance. On ne peut pas gagner... Par contre, je crois qu’on peut dire qu’on a une belle animation, qu’on a bien réussi. Il y a des limites, par exemple le fait qu’on ait fait la nouvelle série en 3D et que ce soit ensuite aplati en 2D, cela fait que les personnages sont toujours les mêmes. Dans l’animation de la série d’origine, comme c’était fait à la main, de temps en temps on a une tête plus grosse ou plus petite, les yeux idem... Cette irrégularité, ces défauts d’animation, ont contribué un peu à cette qualité. Comme quand on dit d’un visage qu’il n’est pas beau mais qu’il a quelque chose d’intéressant. Ces défauts ont contribué au succès. Aujourd’hui il n’y a presque plus de défauts. Donc en enlevant les défauts, quelque part on a amélioré énormément la qualité, mais on a enlevé un peu du souvenir. Et c’est malheureusement impossible à faire autrement. On ne sait plus travailler comme avant. Travailler à la main comme on le faisait à l’époque, plus personne ne sait faire. Les animateurs n’existent plus.

Est-ce que ces critiques vous ont touché, vous y êtes quand même sensible, vous avez suivi un peu tout ça ?
Jean Chalopin : J’ai trouvé qu’il y avait quelque fois des critiques qui étaient inconscientes des difficultés qu’on a rencontrées, mais encore une fois je vais vous dire, on ne peut pas aller contre les souvenirs d’enfance, on ne gagnera pas, on ne peut pas faire mieux... Mais je suis prêt à prendre tous les jours les gens, et leur mettre côte à côte un nouvel épisode et un de l’époque : si on diffusait un des épisodes de l’époque sur grand écran, tout le monde dirait « holala quelle horreur ! ».

Pourtant, l’édition DVD est bien...
Jean Chalopin : Oui, mais on a remasterisé, recolorisé, etc. Il faut voir le travail qui a été fait derrière. Mais passé sur un grand écran, je vous assure que ce n’est pas la même chose ! Mais moi aussi, il y a des choses que je n’aime pas dans la nouvelle version. Jean-Luc (le réalisateur) le sait. Des petits détails à droite et à gauche, le visage d’Esteban par exemple, je n’aime pas son profil, alors que sur l’animation d’origine il était de temps en temps comme ça et de temps en temps pas comme ça car il y avait une qualité qui n’était pas stable, c’était inégal. Cette inégalité donnait une dimension de vie plus grande. Mais on ne peut pas revenir en arrière, donc ça ne sert à rien de pleurer là-dessus. Ce qu’il faut c’est que l’histoire reste la grande histoire porteuse qu’on avait. Et ça c’est trop tôt pour le dire je pense. Plein de gens m’ont demandé si cela allait être la même chose. Je n’en sais rien, je n’en savais déjà rien à l’époque, comment voulez-vous que je sache aujourd’hui ? Les ingrédients qu’on a dedans, on a mis le même sel, le même poivre, la même qualité de chose, pour le faire on s’est bien battus. Je me suis vraiment bien battu pour garder ce point de vue d’enfant, ce mystère etc. Est-ce que le mélange marche aussi bien que par le passé ? Je n’en sais rien, le public nous le dira... Coffret Blu-ray / DVD de la première série Je pense que les fans vont suivre à nouveau, parce que quelque part on a vraiment travaillé avec la vision des fans dans la tête. Il y a énormément de fans vous savez, et il y en a beaucoup qui sont militants, quelques fois d’une façon positive, c’est le cas par exemple des Enfants du Soleil, qui font tout ce qu’il faut pour aider. Cela fait des années qu’ils me disent qu’ils rêvent qu’il y ait une nouvelle série. Les 12 à 15 ans de récupération des droits, sans le soutien des fans, on ne l’aurait pas fait. C’est parce qu’ils étaient derrière cette série qu’on a continué à croire, à se battre pour récupérer les droits, car ça a coûté du temps et de l’argent. Beaucoup de temps et beaucoup d’argent... Je ne saurais pas vous dire combien exactement, cela s’est fait sur une douzaine d’années... Par exemple, pour récupérer les droits de Scott O’Dell ça a pris un temps fou, c’était compliqué : il est mort, c’était une succession, il y avait un agent, puis ce dernier est mort aussi... c’était colossal... Il y a eu aussi un projet de long métrage qui a échoué, et des gens qui ont fait des trucs de leur côté sans avoir les droits, il a fallu les poursuivre en justice, en France et en Allemagne, c’était compliqué... Ils essayaient de produire une série, ils en avaient sorti un épisode en l’appelant « Les aventures d’Esteban et Zia à la recherche des 7 cités d’or ». Tout le monde osait tout dans ce domaine, ça a été dur. Il n’y avait pas Tao car ils ne pouvaient pas reprendre les éléments graphiques ou les personnages inventés dans la série : ils étaient plus proches du roman original qui n’a pas beaucoup à voir avec le dessin animé. Bref, c’était très compliqué, et c’est pour ça que je dis qu’il faut rendre hommage aux fans : sans leur soutien et leur croyance derrière, je crois qu’on aurait probablement abandonné tellement c’était dur !

Sachant que l’histoire est seulement inspirée du roman de Scott O’Dell, était-il vraiment utile de tout de même racheter les droits du livre pour lancer ces nouvelles aventures ?
Jean Chalopin : On n’avait pas le choix, car les droits de la première série étaient liés à ça, il y avait un accord qui avait été signé à l’époque, on était obligé de le respecter. Il faut être respectueux des engagements pris... La série telle qu’elle était faite était certes inspirée très très librement du roman, Le roman originel de Scott O’Dell, réédité par Kazé mais à partir du moment où on a pris crédit là-dessus au départ, on est obligé de continuer avec maintenant. Aujourd’hui bien sûr, la nouvelle saison en Chine, les personnages, tout cela n’a plus aucun rapport, mais on continue néanmoins à payer des droits tout de même. On n’a pas le choix, sinon on n’avait pas le droit de continuer. Comme je dis souvent : « l’échec est orphelin, mais le succès a beaucoup de parents ». C’était très compliqué... S’il n’y avait pas cette amitié entre Kaneko et moi, on n’aurait pas réussi à le faire. Lui, il a fallu qu’il se batte avec NHK, moi avec la CLT, avec des allemands, avec des français... c’était colossal, il a vraiment fallu qu’on veuille que ça arrive à ce point pour réussir. Aujourd’hui pour moi, la sortie de cette nouvelle série, c’est une espèce de point culminant.

Le roman originel de Scott O’Dell, réédité par Kazé


7 cités d’or : il y aura 7 saisons en tout ?
Jean Chalopin : Non, il y a 4 saisons au total pour découvrir les 7 cités. C’est très important ce chiffre de 7 cités d’or. La série va voyager, on ira au Japon dans la prochaine saison, on ira ailleurs aussi, on se balade un peu partout...

Quels sont les nouveaux lieux qui vont être visités après la Chine et le Japon ?
Jean Chalopin : On ira dans l’Atlantique, près de l’Afrique et autour de Madagascar notamment... On va être assez sous-marin... Ils vont aller un peu partout, mais laissons un peu de mystère... On a fait un conducteur global qui nous amène jusqu’à la 7ème cité, donc on sait où on veut aller, mais on avance aussi au fur et à mesure. A la limite qu’on soit à Tananarive ou en Afrique du Sud, pour l’instant ce n’est pas très important. Pour le Japon, c’est sûr, ce sera dans la prochaine saison, on a fait énormément de travail de recherche, notamment Kaneko qui a visité des ruines anciennes sur place. Ce qui est important dans le parcours des enfants, c’est ce que ces 7 cités d’or représentent à la fin. Pourquoi ces 7 cités ? La réponse est déjà décidée bien entendu mais je n’en dirais pas plus. Ce qui est important, c’est de se rendre compte de quelque chose, une question qu’on s’est posé à chaque fois : si vous êtes des enfants et qu’à chaque fois que vous touchez une cité d’or elle se détruit, vous vous sentez mal à l’aise non ? Ils vont prendre conscience que c’est une nécessité, et c’est nécessaire à la continuation de l’histoire. A la fin de la saison, vous comprendrez tout à fait...

Il y a une dimension philosophique, existentielle ?
Jean Chalopin : Ce n’est pas vraiment philosophique ni existentiel, mais vous verrez !

Par contre il y a une vraie dimension historique, avec beaucoup de références...
Jean Chalopin : On s’est toujours mis sur une base historique réelle de l’époque, sur laquelle on greffe de l’imaginaire. C’est la même chose pour la réalité géographie, on n’a rien changé, les temples sont à leur vraie place, etc.

Les mystérieuses cites d’or - saison 2
Les mystérieuses cites d’or - saison 2

La nouvelle série des Mystérieuses cités d’or est une aventure internationale, un peu comme vous...
Jean Chalopin : Oui, c’est un peu compliqué : je vis un peu aux Etats-Unis, un peu en Chine, un peu à Singapour, un peu en Suisse, et un peu aux Bahamas à Nassau. Le siège social de mon entreprise principale est à Nassau. Ce n’est pas de l’animation, c’est un domaine tout à fait différent, de l’investissement dans le domaine des énergies nouvelles. J’ai bifurqué depuis beaucoup d’années.

Entre ce domaine-là et vos actions pour des associations dans le passé, est-ce qu’on va retrouver ce genre de dimension écologique dans les nouvelles saisons ?
Jean Chalopin : Je pense que le distractif doit, dans la mesure du possible, servir de véhicule vers une forme d’éducation. Le problème c’est que l’éducation aujourd’hui dans notre monde, si on la délivre simplement en disant par exemple « vous allez apprendre L’Iliade et l’Odyssée », ça emmerde tout le monde ! Alors que si vous faites Ulysse 31, tout le monde a envie d’apprendre L’Iliade et l’Odyssée ! Quelque part, c’est quelque chose qu’on peut utiliser. Je pense que le créateur aujourd’hui à une responsabilité par rapport à ça : on peut dire tout et n’importe quoi, ou on peut dire quelque chose qui a une certaine qualité, et on peut avoir cette même qualité dans le divertissement. Donc on peut divertir et en même temps apporter quelque chose d’une certaine qualité. C’est incontestable que notre monde a changé, qu’on ne peut pas continuer à être irresponsables comme on l’a été auparavant, que quelque part c’est important que les enfants soient conscients de ce qu’il se passe pour que leur attitude d’adulte change et que le monde soit peut-être un peu mieux que ce qu’on en a fait et ce que nos parents en ont fait.

Et donc il y a des messages écolos dans la nouvelle série ?
Jean Chalopin : Un peu partout, oui, mais on est au 16ème siècle, donc il n’y a pas la même sensibilité. Mais vous faisiez allusion à une fondation qui s’appelle Story Plus ; moi je suis très partisan d’essayer de faire quelque chose pour communiquer un message de qualité. On réussit plus ou moins, ce n’est pas facile. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, donc il faut utiliser un peu le miel pour que les gens s’intéressent aux choses. C’est vrai qu’aujourd’hui les enfants sont habitués à avoir leur téléphone à 10 ans déjà, donc c’est un monde qui a changé complétement, et il faut communiquer d’une façon différente. Le premier jeu vidéo issu de l’univers des cités d’or : le vol du condor Je crois que les jeux vidéo, les séries télévisées, tout ça c’est un moyen de passer un message extraordinaire par le ludique. Il y a d’ailleurs deux jeux vidéo des Mystérieuses cités d’or qui sont en train de se faire aussi...


Le premier jeu vidéo issu de l’univers des cités d’or : le vol du condor


Vos enfants ont été fans de la série ? Que pensent-ils de tout ça ?
Jean Chalopin : Curieusement, mes enfants n’ont pas vraiment été exposés au début, mais ils l’ont découvert plus tard, d’abord parce qu’ils n’étaient pas nés, c’est une bonne raison ! Ils ont découvert ça quand ils avaient 6 ou 7 ans, et la série avait disparu de l’antenne à cette époque, ils l’ont vu en cassettes VHS. Je les ai toujours d’ailleurs, mais je n’ai plus de lecteur ! Ils aimaient bien, mais ils n’ont pas vu la suite encore, mais ça viendra.

Le père d’Esteban est-il mort ? Finalement on n’en est pas sûr. Va-t-il réapparaitre ?
Jean Chalopin : Il faut laisser un peu de mystères, sinon on va perdre le mot « mystérieux » dans le titre...

Et va-t-on voir sa mère ?
Jean Chalopin : Ah, justement, c’est intéressant ça. Peut-être oui, peut-être qu’on découvrira quelque chose à ce propos...

Une question que beaucoup de gens se sont posés : le grand condor était-il inspiré du concorde ?
Jean Chalopin : C’est vrai qu’on l’utilisait beaucoup à l’époque, mais s’il y a une ressemblance par rapport à ça, ça s’est fait inconsciemment alors. Il y a aussi des gens qui me disaient à l’époque « vous avez servi de modèle à Ulysse 31 », mais forcément on travaillait tous en équipe donc on s’influençait les uns les autres, c’est normal. Il y avait une telle proximité : à l’époque, on travaillait dans une petite équipe, on était très proches les uns des autres. Si vous aviez travaillé avec nous, peut-être qu’Ulysse vous ressemblerait. On avait un truc qu’on appelait « le puits de la création », c’était une cave à Paris, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, on avait fait un trou pour avoir de la lumière. On n’avait pas un rond, et on travaillait là-dedans, tous dans la même pièce. Donc quand vous êtes tous les jours, toute la journée à gamberger ensemble... Bruno (Bianchi) venait, il faisait un dessin, il me le montrait et ça m’inspirait, j’écrivais un texte, je le lui donnais et il faisait un autre dessin... On travaillait vraiment comme ça. Aujourd’hui, les gens travaillent de manière très structurée mais on n’était pas du tout comme ça à l’époque. C’était un peu la folie de notre jeunesse, c’était bien, un vrai vivier d’idées, c’est pour ça qu’on appelait ça « le puits de la création ». C’était une ancienne manufacture de carton dans laquelle on avait le rez-de-chaussée où l’on avait mis des bureaux, et en dessous c’était tout ce qui était le côté créatif et dessin. Et donc on avait fait un trou hexagonal, un puits de lumière, car c’était une cave. La lumière du jour arrivait seulement par là. On accrochait aux fenêtres tous les dessins, et Bernard, Bruno, etc. dessinaient directement là-dessus. Et on écrivait à l’intérieur également. C’était vraiment différent d’aujourd’hui, où l’écrivain travaille plutôt chez lui, il nous envoi le truc, etc. A l’époque ce n’était pas comme ça, moi j’écrivais au milieu de la table avec tout le monde.

L’équipe des Mystérieuses cites d’or saison 2 L’équipe des Mystérieuses cites d’or saison 2

Ca vous manque cette façon de travailler ?
Jean Chalopin : Bien sûr ! C’est la seule façon de travailler ! Regardez Pixar, c’est comme cela qu’ils travaillent, les gens écrivent avec les dessinateurs.

Ce n’était pas possible pour les nouvelles cités d’or ?
Jean Chalopin : Personne ne sait plus travailler comme ça aujourd’hui...

Trop long, trop cher, trop compliqué de réunir tout le monde ?
Jean Chalopin : Et puis il y a une mentalité qui a changé aussi. A l’époque, le week-end ça n’existait pas, on faisait quelque chose qui nous passionnait, on travaillait tout le temps. Aujourd’hui, si on veut parler à quelqu’un le samedi, il nous répond qu’il ne travaille pas le week-end. Attends : t’es artiste, tu ne travailles pas le week-end ? Mais pourquoi t’es artiste ? Va travailler à la Poste ! Les mentalités ont changé...

Merci !



Merci à TF1 de nous avoir donné l’opportunité de cette rencontre.


Retrouvez également l’interview de Bernard Deyriès en cliquant ici !

Retrouvez également l’interview de Thomas Bouveret en cliquant ici !




Pour en savoir plus sur la genèse des Mystérieuses cités d'or et des autres séries du studio DIC, n'hésitez pas à vous reporter à l'ouvrage Les séries de notre enfance, dont la page Facebook se trouve ici :

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Toutes les photos sont ©Nicolas Demay