interview Bande dessinée

Julien Maffre

©Dargaud édition 2014

Julien Maffre est un dessinateur fraîchement débarqué dans le monde de la bande dessinée. Il a dessiné la série Le tombeau d’Alexandre et, à l’heure de cette interview, se présente à Angoulême pour la sortie du troisième tome. Son dessin est déjà remarquable de précisions et de sûreté. Il nous en parle en toute simplicité, plein de gentillesse et de naturel. Il a le succès modeste et se livre sans faux-semblants. Un an avant son travail sur La banque, ce sympathique dessinateur a pourtant déjà tout d’un grand.

Réalisée en lien avec les albums La Banque – cycle 1 : 1815-1848, T1, Le tombeau d'Alexandre T3
Lieu de l'interview : Festival d'Angoulême

interview menée
par
13 juin 2014

Bonjour Julien. Peux-tu te présenter pour les lecteurs qui ne te connaissent pas encore ?
Julien Maffre : Je m’appelle Julien Maffre et j’ai 31 ans. Je suis dessinateur de bandes dessinées depuis maintenant quatre ou cinq ans. J’ai dessiné une série chez Delcourt dont le premier tome est paru il y a quatre ans, Le tombeau d’Alexandre scénarisé par Isabelle Dethan qui travaille chez Delcourt depuis une bonne quinzaine d’années. Elle est spécialisée dans l’égyptologie. C’est une histoire d’aventures dans l’esprit d’Indiana Jones avec, comme quête principale, le tombeau d’Alexandre le Grand qui n’a jamais été trouvé jusqu’à maintenant.

Ton dessin est très détaillé dans cette série. C’est une volonté de coller à l’archéologie ?
JM : En fait, il y a plutôt un lien avec le XIXème siècle et tout ce qui est gravure. Pour moi, c’est venu assez inconsciemment. Comme la plupart des jeunes auteurs, il y a quand même une grosse évolution entre le premier et le troisième album. Sur le premier album, j’avais des influences un peu manga qui étaient palpables avec une réalisation plus simple. Aujourd’hui, je tends naturellement vers quelque chose de plus fouillé et réaliste. Cela s’est fait en rapport avec le projet. Si mon projet avait été futuriste, j’aurais travaillé sur un univers plus dynamique et épuré.

As-tu des influences en termes de graphisme ?
JM : Oui, il y a des influences. Il y en a même que j’ai encore et qui sont un peu trop palpables, peut-être, mais j’essaie de m’en séparer au fur et à mesure. C’est difficile d’en parler car c’est quelqu’un que je fréquente, mais le travail de Bruno Maïorana (NDLR : le dessinateur de Garulfo et de D) a une influence sur le mien. Je suis aussi un énorme fan d’Otomo, qui n’est pas vraiment connu pour ses planches ultra épurées. Sans parler de Giraud et d’autres grands classiques. C’était inconscient au départ et j’ai dû ensuite me faire une raison pour me mettre en accord avec tout cela. J’ai développé une névrose au fur et à mesure des albums, qui est la peur du vide. Comme il y a un espace blanc à l’intérieur des pages, j’ai pris peur et j’ai besoin d’y mettre quelque chose.

Que penses-tu du travail de Laure Durandelle sur les couleurs ?
JM : Sur le troisième album, j’étais très content du dessin sur le moment… et quelques années après, on se dit qu’on ferait différemment. J’ai fait de mon mieux, mais si je le refaisais aujourd’hui, ce ne serait pas la même chose. Je suis un grand frustré de la couleur à l’aquarelle et de la couleur directe. C’est quelque chose sur lequel je travaille en ce moment pour mon prochain projet. Autant on a beaucoup d’outils technologiques pour la couleur et j’ai énormément appris là-dessus, autant je pense qu’à long terme, je vais tendre vers quelque chose d’un peu plus naturel.

Justement, peux-tu nous parler de ton futur projet ?
JM : En ce moment, je démarre une série en deux tomes aux éditions Dargaud, avec les scénaristes Pierre Boisserie et Philippe Guillaume. On reste dans le XIXème siècle, c’est une grande saga familiale qui se passe sur 200 ans. Cela commence en 1815 et finit en 1970. J’ai aussi un vieux projet de western que j’ai déjà présenté il y a deux ans, qu’on a refait et qu’on représente cette année. C’est toujours au XIXème siècle, mais cette fois en Amérique. C’est un peu un concours de circonstances que je travaille toujours sur le XIXème siècle, car je ne suis pas particulièrement fan de cette période. Si tout se passe bien, on espère attaquer ce western l’année prochaine.

Toi qui es fan d’Otomo, tu ne voudrais pas faire de la science-fiction ?
JM : Je ne m’en sens pas les épaules. Autant le travail historique ne me fait pas peur, car il y a une documentation préexistante, autant le travail de création et de design en S-F me fait extrêmement peur. D’une part, parce que je n’en ai jamais fait et parce que je me dis que si je n’en ai jamais fait, c’est que je ne dois pas être trop fait pour ce genre. L’idée même de faire de la S-F me plairait énormément, mais je sais que tout seul, je ne pourrai pas y arriver. Je vais donc rester sur des histoires plus réalistes. Je m’intéresse à toutes les périodes historiques jusqu’aux années 1970. J’ai beaucoup aimé les périodes que j’ai vécues dans les années 80, 90 et 2000 et je suis très content de les avoir découvertes… mais les dessiner ne m’attire pas.

Si je te donne le pouvoir cosmique d’entrer dans le crane d’un auteur, écrivain, scénariste ou dessinateur, qui choisirais-tu et pour y trouver quoi ?
JM : Je suis un fan absolu du scénariste Alan Moore pour tout ce qu’il a fait jusqu’à présent et pour ce qu’il continue à faire aujourd’hui. Son travail est absolument extraordinaire et sa personnalité a l’air de l’être tout autant. Je serais vraiment très curieux de découvrir ses trucs.

Merci Julien !