interview Manga

Olga Rogalski

©Taïfu comics édition 2010

Pour inaugurer leur nouvelle collection « yaoi » lors du Salon du Livre, les éditions Taïfu ont fait venir en France Olga Rogalski, l’auteur des Larmes d’anges, un yaoï allemand qui sort des sentier battus.

Réalisée en lien avec l'album Les larmes d’anges
Lieu de l'interview : Salon du Livre 2009

interview menée
par
12 février 2010

Peux-tu nous présenter ton parcours ?
Olga Rogalski : Bonjour, je suis Olga Rogalski, artiste allemande, et je suis mangaka depuis quatre ans dans le réseau professionnel. J’ai fait une école d’art pendant 2 ans et maintenant j’apprends entre autre le japonais et le design multimédia à l’université parallèlement à ma carrière professionnelle.

En dehors des larmes d’anges, quelles sont tes autres réalisations ?
Olga Rogalski : J’ai fait quelques projets avant cela. Un de mes autres travaux s’appelle Triple witching hour, chez Tokyopop, mon éditeur allemand. Il y a également eu Strike back, un mini manga, ainsi que Self-made angel, tous deux pour un autre éditeur, Carlsen.

Quels en étaient les thèmes ? Egalement du yaoï ?
Olga Rogalski : Non. C’était plutôt du fantastique, de la comédie, des histoires d’aliens, avec beaucoup d’humour. Triple witching hour était du fantastique.

Les verra-t-on un jour en France ?
Olga Rogalski : J’espère que non ! (Rires) Triple witching hour était mon premier travail de longue envergure et... je n’en veux pas ici !

Peux-tu nous présenter Les larmes d’anges ?
Olga Rogalski : C’est l’histoire d’un garçon qui est largué par son petit ami et il se sent mal. Il tente alors de se suicider mais est sauvé par un homme dont il tombe amoureux, mais il ne sait pas qu’il s’agit d’un ange de la mort venu prendre sa vie.

Comment est née l’idée ?
Olga Rogalski : L’idée de faire une histoire avec un shinigami, un ange de la mort, traînait dans ma tête depuis longtemps. Je voulais aussi faire un yaoï mais mon éditeur allemand se demandait si j’étais capable de faire ce genre de manga. Mais mes premières tentatives de manga, avant ma carrière pro, étaient déjà du yaoï, alors bon...

Et pourquoi avoir choisi le yaoï ?
Olga Rogalski : J’aime faire beaucoup de genres différents. Avant de publier un yaoï de manière professionnelle, j’avais déjà édité du fantastique, de la comédie, du shôjo... Je voulais faire du yaoï depuis le début. C’est un rêve devenu réalité quand j’ai pu enfin le faire.

Qu’est ce qui t’attire le plus dans ce genre ?
Olga Rogalski : En fait, je ne fait pas de différence entre amours homosexuelles ou hétérosexuelles. Mais c’est plus difficile pour un couple d’homosexuels d’être capable de s’aimer librement et d’être acceptés par les autres. C’est plus intéressant pour une histoire, il y a plus de dilemmes, c’est plus difficile, spécialement en Allemagne pour les homosexuels qui vivent dans des petites villes. J’ai grandi dans ce genre de ville et les gens y sont très conventionnels.

Le héros porte des vêtements avec des croix catholiques. Est-ce fait là aussi pour renforcer le choc, ou seulement pour l’esthétisme gothique ?
Olga Rogalski : Beaucoup de gens en Allemagne ne croient pas vraiment en Dieu mais continuent à porter une croix, c’est un peu comme un accessoire de mode. C’était pour montrer qu’on peut être homosexuel et continuer à porter une croix. Ce n’est pas dirigé contre l’église. Entre parenthèses, j’ai fait quelques recherches sur l’histoire de l’homosexualité et des historiens soutiennent qu’il y a longtemps, avant le XIIème siècle je crois, ce n’était pas interdit aux hommes de se marier, et qu’il y avait même une cérémonie prévue pour cela. Sinon, j’aime vraiment le style gothique mais je ne trouve pas que mon style le soit énormément, je pourrais faire bien plus de ce côté-là. Je n’ai pas vraiment réfléchi à ce que je dessinais et c’est ce qui est ressorti naturellement. Pour les habits de Nicolas, le héros de l’histoire, j’ai surtout été inspirée par une tenue portée par l’un de mes amis. Je l’avais pris en photographie en lui disant que je l’utiliserai dans mon histoire.

Combien de temps as-tu mis à réaliser Les larmes d’anges ?
Olga Rogalski : Si je compte le temps de développement, cela fait à peu près 10 mois. Habituellement, je travaille de 6 à 12 mois sur un projet de la taille d’un volume.

As-tu beaucoup travaillé à l’aide de l’ordinateur et sur quelles parties en particulier ?
Olga Rogalski : Je ne m’interdis rien. Je veux être capable d’utiliser n’importe quelle technique. Pour ce projet, j’ai travaillé de manière classique, encre, trames... excepté pour les illustrations. D’ailleurs, l’image d’origine de la couverture est en couleurs alors que la version française la propose en noir et blanc.

Que penses-tu de ton style de dessin ?
Olga Rogalski : Actuellement, je suis assez satisfaite avec Les larmes d’anges, même s’il y a encore des erreurs. Quand je le relis maintenant, je vois qu’il y a des choses qui ne vont pas, qu’il y a des petits défauts...

Comment s’est passée la construction du scénario, des dialogues ?
Olga Rogalski : Mon éditeur voulait que j’écrive toute l’histoire avant de commencer à dessiner. Il y avait un plan complet du déroulement : pour chaque situation, on avait déterminé le nombre précis de pages. Après cela, j’ai écris tous les dialogues et ensuite seulement j’ai commencé à dessiner tous les chapitres. Une fois terminé, j’ai envoyé mon travail à mon éditeur qui m’a donné le feu vert.

Travailles-tu dans un cadre particulier ?
Olga Rogalski : J’ai une amie qui chante très bien et qui a enregistré une chanson que j’adore écouter. Je l’écoutais en boucle, c’est tellement beau ! Il y a aussi une chanson du groupe japonais Girugamesh qui n’est pas très connue, « Shizumu Kako », c’est ma chanson préférée de ce groupe. C’est la deuxième chanson que je me passais en boucle, celle que j’écoutais pour faire la scène finale quand la neige tombe.

As-tu des influences particulières ?
Olga Rogalski : J’ai été très influencée par Kouyo Shurei, l’auteur d’Alichino, depuis mes débuts, et également par Satoshi Shiki, l’auteur de Kamikaze (tous deux ont été édités en France chez Panini, ndlr). Ce dernier fait des arrière-plans très détaillés que j’adore. J’adore aussi énormément Takeshi Obata, le dessinateur de Death Note !

En tant qu’auteur européen de manga, comment te situes-tu par rapport aux différentes écoles de dessins ?
Olga Rogalski : Je pense que je suis influencée par les mangas japonais, mais quand j’étais en école d’art, le dessin traditionnel m’a aussi influencée. Des fois, il y a une grosse influence réaliste dans ce que je fais. En fait, je dessine simplement comme je le sens sans chercher à m’inscrire dans un style particulier, et si les gens trouvent que ça ressemble à du manga, alors c’est du manga !

Lis-tu beaucoup de mangas ?
Olga Rogalski : Au début j’en lisais beaucoup mais depuis que je travaille dans la bande dessinée, je n’ai plus le temps de lire. Ces quatre dernières années, j’ai dû lire quelque chose comme dix mangas seulement.

Que penses-tu des autres auteurs européens ou américains qui font du manga ?
Olga Rogalski : Je pense que beaucoup sont très bons et que la majeure partie d’entre eux essaye d’être originale, de ne pas copier les japonais. En fait, par exemple, le lieu de l’histoire n’a pas besoin d’être le Japon si vous ne connaissez rien d’autre de ce pays que ce qu’on en voit dans les mangas et les animés. Ce qu’on y voit n’est qu’une toute petite partie, une copie parfois déformée de la réalité. Si on le prend pour la réalité et qu’on essaye de construire une histoire autour de cela, c’est comme faire une copie d’une copie, cela peut donner des choses vraiment bizarres. Je crois que chaque culture a de bonnes choses pour mettre dans une histoire, alors pourquoi ne pas les utiliser ? Je vis en Bavière et c’est là que j’ai situé l’action des Larmes d’anges. Je pense que c’est très important de parler ainsi de ce qu’on connaît vraiment.

Que penses-tu de la BD mondiale, européenne, américaine, etc. ?
Olga Rogalski : Toutes sont géniales. Il y a tellement de bons artistes si impressionnants partout ! Je n’ai plus le temps de lire mais j’ai travaillé pendant un an dans une école de bande dessinée où j’enseignais les différents styles dans une master class. Je devais lire plein de trucs et les présenter ensuite aux étudiants. Je ne peux pas dire que j’aime un style plus qu’un autre en particulier, il y a du bon partout.

Tu n’as pas beaucoup le temps de lire, tu dois donc choisir avec soin. Quelles sont tes dernières lectures ?
Olga Rogalski : Le comics de 300, de Frank Miller. Le style est si beau ! C’est très fort !

Y a-t-il une série que tu recommanderais à quelqu’un qui n’a jamais lu de BD ?
Olga Rogalski : Il y a tellement de choses ! Il faudrait beaucoup de temps pour repenser à tous ce qu’on a lu pour ensuite savoir quoi recommander... Pour quelqu’un qui voudrait lire un bon manga avec une histoire profonde, je dirais Subaru (édité chez Delcourt en France, ndlr). C’est l’histoire d’une jeune fille qui perd son frère et qui apprend le ballet. En fait, lorsqu’ils étaient plus jeunes, son frère ne pouvait pas communiquer et elle dansait pour lui afin de provoquer des réactions, pour le faire sourire. Mais un jour sa mère lui annonce qu’elle va devoir arrêter la danse pour mieux s’occuper de son frère et cela la dévaste. Elle dit à son frère qu’elle le déteste et il meurt juste après. Alors elle arrête la danse, mais reprend un an plus tard... C’est vraiment impressionnant, il y a beaucoup de passion...

Quels sont tes futurs projets ?
Olga Rogalski : J’ai beaucoup d’idées, beaucoup de projets, mais c’est surtout un problème de temps, de trouver un éditeur, j’ai repris l’université...

Tu vas continuer dans le yaoï ?
Olga Rogalski : Pas seulement. J’ai des idées d’histoires yaoï, mais aussi de shôjo, d’histoires d’horreur...

Y a-t-il une question qu’on ne t’a pas posée et que tu aimerais qu’on te pose ?
Olga Rogalski : Non, je suis trop fatiguée ! (Rires) Sérieusement, je ne vois pas...

Et toi, as-tu une question ?
Olga Rogalski : Pendant les séances de dédicaces, j’ai entendu des gens dire qu’ils n’aiment pas les dessinateurs français. Pourquoi ? En Allemagne aussi, j’ai vu des gens qui disaient que si c’est allemand, ils n’en veulent pas. C’est aussi arbitraire que si quelqu’un qui ne vous connaît pas venait vous dire qu’il ne vous aime pas, sans autre raison que le pays d’origine.

As-tu un message pour tes lecteurs français ?
Olga Rogalski : Oui, achetez plein de mes livres ! (Rires) Et ayez plus de foi en vos artistes !

Merci !

Copyright Olga Rogalski/Taïfu