L'histoire :
« C’est la carte postale idéale, le berger orgueilleux mène huit cent brebis dociles qui marchent dans son ombre. Plus tard, l’enthousiasme a fondu. Sous le soleil la laine chauffe, le bétail ramollit et se disperse. On ne se comprend plus. Je m’énerve, je monte, je descends, je crie. Je pousse. (…) Depuis les orages s’enchaînent. Avant, je n’en avais pas peur, mais avec les années, ça m’inquiète de plus en plus. J’ai été pris quelques fois au milieu des éclairs et la dernière était la pire. Ludivine dit qu’elle aime ça. Elle parle avec passion des couleurs du ciel, de ses poils qui se dressent, du grondement qui vibre dans tout le corps, de la foudre qui fait claquer les roches autour d’elle et des flashs aveuglants, qui s‘impriment au fond de l’œil. J’ai honte de l’admettre devant les éleveurs, mais parfois quand l’orage approche, je suis incapable de quitter la cabane. (…) La garde se fait différemment ici. Le relief des quartiers hauts ne supporte pas le troupeau groupé. Les trous, les bosses, les crevasses, les pentes à pic et les champs de roches ont remplacé les combes moelleuses d’en bas. Des lots se forment. Les brebis prennent la place qu’elles peuvent… »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est des projets qu'il faut porter longtemps. Maxime dessine l’hiver (surtout pour des revues) et garde des moutons dans les massifs ariégeois l’été. Cette année, après être redescendu de la montagne et son isolement, il va pouvoir regoûter aux « joies » des séances de dédicaces et à la foule. Démontagner, donc. Débuté en 2018, dans le fanzine Bento, des éditions Radio as Paper, ce récit autobiographique étonnant, et sur un sujet peu courant, dénotait déjà parmi les autres auteurs et histoires pourtant œuvres originales de qualité. Maxime, à l'aide de son trait noir fin, légèrement hachuré et précieux, déroule son estive en montagne, au milieu des paysages sauvages et de la faune d'altitude, avec précision et poésie, graphique souvent, nous permettant de ressentir au plus près sa réalité de berger, connaissant presque chaque animal par son nom, un surnom, une particularité... Anecdotes de sociabilité « retenue » avec les quelques humains rencontrés avant et après l'isolement total : attente, stress de la gestion du troupeau, intempéries subies, accidents plus ou moins dramatiques, moments de complicité avec son fidèle chien noir et blanc Finet… On est séduit et happé à la fois par le déroulé et sa forme noire et blanche minutieuse et ronde. A l'heure où la recherche de soi et l'écologie deviennent des éléments majeurs, surtout pour les nouvelles générations, et dans un monde en perte de valeurs, ce témoignage introspectif, aventure pastorale en terres encore à peu près « naturelles », tombe à point nommé. Sujet rarement abordé en BD sous cette forme réaliste et poétique à la fois, Démontagner plaira sans coup férir aux amateurs de nature et de montagne, et mérite qu'on s'y abreuve, sans retenue aucune.