L'histoire :
Dans un bar, Pemberton contemple la nuit calme à travers la fenêtre. Une brise absente, une mer d’huile, ça lui rappelle une navigation paisible à bord du Pénélope, avec le cuistot du bateau, surnommé « P'tit crâne ». Curieux de ce sobriquet, Pemberton l’interroge. P'tit Crâne crache le morceau raconte alors une mission évangélique des Bons Pères Clus aux îles Salomon, sur l’île de Tavu-Sonku, où les têtes sont réduites dans une tisane bouillante. Avec sa toque, il fait de l’ombre au sorcier local qui, jaloux, le fait enlever. Il l'enterre jusqu'au cou et l'arrose de décoctions, avec l'idée de réduire sa tête. Chose qu'il ressent et qu’il considère finalement comme bénéfique pour la concentration mentale. Suite à une tempête épique, il réussit à se faire la malle grâce à une pirogue qui avait grimpé aux arbres, pour embarquer sur un navire marchand. Cette histoire captive Pemberton... jusqu'à ce qu' un bruit interrompt les deux hommes : un canot vient râper la coque du navire. C'est un canot. Ni une, ni deux, Pemberton découvre à l'intérieur un corps évanoui. Ce n’est pas un mort, mais une jeune fille. Pris au dépourvu, les deux hommes embarquent le corps de la jeune femme et la bâillonne. Ensuite, ils hésitent sur la conduite à tenir. La livrer au capitaine ? Et si elle racontait des choses compromettantes ? La remettre à la mer ? Les deux hommes la remettent dans le canot. C'est le destin qui emportera la décision avec lui.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cette deuxième intégrale de Pemberton (qui contient également l'intégrale des récits de PenterGhast, pastiche de Pemberton signé par Sirius et Devos !), on explore davantage l’univers de Sirius. C’est une véritable pépite de bande dessinée, un trésor d’humour noir et de surréalisme marin, où chaque escale est une nouvelle bouteille lancée à la mer, prétexte à narrer une bonne vieille histoire. Pemberton, vieux loup de mer édenté et gouailleur, nous embarque dans ses souvenirs aussi bancals que poétiques, entre ivresse, mythomanie et langue bien pendue. Sirius s’amuse de tout : de la mort, du vol, des femmes aux courbes généreuses – et toujours libérées. On se croirait parfois dans un tableau de Gauguin version années 70, avec des topless nonchalants, des paysages fantasmés, une certaine naïveté assumée. Les Timour semblent un peu loin ! Il y a quelque chose d’anachronique dans ces récits, comme si le temps s’y était arrêté, suspendu entre deux chants de marins dans un rade crasseux où le rhum coule à flot. Le dessin noir et blanc, très expressif, presque caricatural, renforce ce charme désuet. Les dialogues claquent comme du Audiard en tongs, la narration tangue entre San-Antonio et le conte absurde. C’est drôle, cru, suranné, jamais méchant, toujours vivant. Une série à part, à (re)découvrir comme on ouvre un vieux coffre échoué sur la plage, rempli de récits de trésors illustrés, avec en fond sonore un bon vieux Soldat Louis !
