L'histoire :
Agée d’une dizaine d’années, Dewi fait toujours le même cauchemar : elle est poursuivie par un drone de surveillance à travers une grande ville. Elle court à travers la foule, elle lui échappe en montant dans un ascenseur, elle se retrouve au sommet d’un immeuble, et elle saute dans le vide. Sa dernière pensée avant de se réveiller en sursaut, c’est que cette ville ressemble à Tokyo… alors même qu’elle n’y a jamais mis les pieds. Elle discute de cette étrange récurrence onirique avec son chat-intelligence-artificielle, prénommé Phil. Puis elle fait semblant de dormir, lorsque la nurse Baba fait une inspection dans sa chambre. L’imitation semble fonctionner : l’androïde nurse fait un tour, tue une mouche et repart sans un bruit. Mais comment font les mouches pour réussir à pénétrer régulièrement en cet endroit hermétique ? D’ailleurs, pourquoi les insectes et les animaux en général sont-ils irrépressiblement attirés par elle ? Dans le bureau de direction de l’orphelinat, les instances abordent ce sujet. Dewi Setiawan – de son vrai patronyme Vega – est un clone, dotée d’un mimétisme chimique dans son ADN. C’est-à-dire que, sans explication, son expression génétique émet des phéromones qui poussent les animaux à la percevoir comme l’une des leurs et à rechercher son contact.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dewi et ses sœurs est une sorte de suite à Vega, thriller d’anticipation publié chez Albin Michel en août 2022, par les mêmes auteurs : Serge Lehman (au scenar) et Yann Legendre (au dessin). Il peut se lire à la suite (ça se passe quelques années plus tard), mais peut aussi se découvrir tout à fait indépendamment. On retrouve surtout le Docteur Pongo, gourou bio-techno affublé de 15% de génome d’orang-outang, qui a cloné une gamine 10 fois : la fameuse Dewi du titre. A travers une narration qui ne vous prend pas par la main, cette jeune héroïne intelligente et débrouillarde part en quête de ses origines, à travers une société futuriste ultra contrôlée par divers robots et IA. Elle se découvre 10 clones d’elle-même et tente de comprendre les raisons de son anomalie génétique (elle est l’amie des animaux !). Les thèmes du clonage, de la robotique, du crépuscule de l’anthropocène et toujours de l’animalisme sont au rendez-vous. Les 4 chapitres se déroulent toujours à travers un visuel infographique qui rebutera les amateurs de « beau dessin », mais qui se laissera apprécier par les artistes numériques. Cette fois, Legendre laisse tout en noir et blanc (et niveaux de gris, et ombres éthérées et effets de brumes et de lumières). C’est tout à la fois hypnotique, mais aussi assez figé lors des scènes d’action (malgré les lignes de fuite), avec des éléments de décors et des détails dupliqués… Le reflet d’un gros boulot tout de même, sur un scénar pour le moins torturé, mais post-techno-bio-génétique qui interpelle.