L'histoire :
En décembre 1973, l’inspecteur Damrémont commence sa période de vacances de Noël en allant voir un bon western au cinéma. Au guichet, il achète sa place en même temps qu’une jeune femme qui, étonnamment, va voir un film porno, Prenez la queue. Une rafale de vent s’engouffre dans le hall, provoque une bousculade et… les billets s’échappent et se mélangent. Damrémont se retrouve dans la salle du porno et la jeune femme devant le western. Ils ressortent furibonds de leurs salles respectives et se retrouvent dans le hall pour échanger leurs billets. Damrémont trouve honteux que la jeune femme aille voir « ce genre de films » ; elle trouve puéril que Damrémont joue encore aux cow-boys et aux indiens. Les films terminés, ils rentrent chacun chez eux. Veuf et célibataire, Damrémont s’apprête à passer une bonne soirée en solitaire, lorsque son téléphone sonne. Son patron lui demande comme un service de retravailler quelques jours. Toute aussi solitaire, Jeanne Venucci passe la soirée avec son chat. Le coup de fil qui la dérange vient d’un ami réalisateur de pornos, qui lui demande d’être dès le lendemain matin à 7h sur le plateau, afin d’œuvrer en tant que scripte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une fois passé son titre très subtil, il est autorisé de s’interroger sur le public cible concerné par cette histoire du film érotique / pornographique au tournant des années 1974-75. Les plus vieux lecteurs se souviendront peut-être qu’avec l’arrivée de Giscard à la présidence de la République française, un vent de liberté a rapidement soufflé sur le porno – avant de retomber en demie molle. Le rajeunissement de la majorité à 18 ans, la promesse d’une libéralisation des mœurs et de l’encadrement législatif des œuvres classées X a finalement abouti à la mise en place d’autres critères. Or Kris et sa compagne Swann Dupont ne racontent pas précisément ici une histoire politique, mais bien une histoire de mœurs, un peu futile et pleine de bons mots, en marge de cet encadrement… sans érotisme ni pornographie ! Et c’est bien là le tour de force de ce (trop ?) long album, qui parle en toute liberté et avec légèreté du milieu du porno sans jamais montrer la moindre partie génitale. Sous les crayons semi-réalistes et stylisés d’Eliot, un flic un peu « vieille France » infiltre le milieu du porno et finit par se prendre au jeu. Il côtoie une jeune cinéaste moderne, intéressée intellectuellement par le porno – et ouais ! – et leurs destinés croisées finissent par déterminer la vraie tendresse qui se trouve forcément dans l’acte d’amour, qu’il soit rémunéré ou pas. C’est gentiment léger, sans tabou, un peu marrant et empli d’une belle masse de contre-culture. Un dossier pédagogique final revient en détail sur cette période charnière.
