L'histoire :
Arizona, 1871. Une diligence est attaquée en plein désert. Tous les passagers sont massacrés, sauf un jeune garçon qui échappe miraculeusement à la tuerie. Opportuniste, il usurpe l’identité d’un autre et devient Edward G. Pump. Recueilli par le shérif d’une petite ville, il s’intègre au foyer de ce dernier, séduit sa femme, charme sa fille et tisse patiemment sa toile. Derrière son sourire candide, Ed manipule chacun pour s’élever socialement. Très vite, il s’impose dans la communauté, rachète un saloon et prend le contrôle des esprits comme des affaires. Dans ce Far West en pleine mutation, entre ruée vers l’or et appât du pouvoir, Pump dévoile la genèse d’un monstre, un homme prêt à tout pour régner.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce premier tome, Rodolphe revisite le western à contre-courant. Oubliez les duels au soleil : Pump raconte l’histoire d’un imposteur, d’un jeune homme à l’apparence angélique qui transforme la violence du monde en opportunité. Le récit s’ouvre sur un carnage, puis glisse rapidement vers une intrigue d’ascension sociale et morale. Ce qui fascine ici, ce n’est pas tant la question du destin que celle des moyens : jusqu’où Ed ira-t-il pour s’imposer ? Rodolphe déploie un scénario d’une grande finesse psychologique, centré sur la duplicité et le calcul. Derrière la success-story d’un survivant, il esquisse une réflexion sur les origines du pouvoir et sur le culte de la réussite individuelle. Trois thèmes s’entrecroisent : l’usurpation, moteur du récit ; la manipulation, qui s’étend comme un poison ; et la séduction, arme principale du protagoniste. Loin d’être un simple escroc, Pump symbolise l’ambition nue, celle qui naît dans le chaos et s’épanouit dans la respectabilité. Graphiquement, Laurent Gnoni signe un travail d’une grande justesse. Son trait réaliste, expressif sans excès, privilégie les regards et les attitudes plutôt que l’action brute. Les visages sont habités, les corps vivants, les décors crédibles sans être figés. L’Ouest qu’il peint est moins celui des grands espaces que celui des intérieurs étouffants, des ruelles poussiéreuses, des silences lourds. La palette chaude – bruns, ocres, orangés – baigne l’album d’une lumière crépusculaire qui accentue la tension psychologique. Le découpage, fluide et maîtrisé, alterne scènes d’impact et pauses narratives : les ellipses resserrent le récit, les plans rapprochés en soulignent la densité. La mise en couleur soutient parfaitement cette tension, en jouant sur la poussière, la chaleur et la nuit tombante. Pump, sous-titré Un si gentil garçon réussit ainsi un subtil équilibre : un western sans cheval héroïque, mais avec un démon sous un chapeau blanc. Un récit d’ascension et de déchéance annoncée, mené avec élégance et cruauté. On referme ce premier tome fasciné, déjà prêt à suivre ce faux-prophète de l’Ouest dans sa marche vers le pouvoir.