L'histoire :
En 1686, le jeune Geoffroy officie en tant que barbier dans une rue couverte de la ville de Versailles. Mais les clients ne se bousculent pas… Alors il file le plus souvent un coup de main à son père charcutier, devant lequel il est installé, en faisant ses livraisons. Ce jour là, il est en train de livrer une tête de cochon, lorsqu’il est attiré par un attroupement au bord d’un canal. Un bougre s’est à moitié noyé… Afin de briller aux (beaux) yeux (et pour la poitrine accueillante) d’une jeune femme, Geoffroy se lance dans une réanimation en public du semi noyé, car il connaît les techniques. Expulsion de l’eau dans les poumons, bouche à bouche… Les gendarmes l’interpellent pour pratique de techniques non conventionnelles. Mais dans les secondes qui suivent, le noyé reprend bel et bien conscience. Geoffroy est néanmoins jeté dans un cachot pour quelques heures. La donzelle qu’il tentait de séduire lui fait alors passer un message encourageant. Et quelques minutes plus tard, il est mené par deux mousquetaires dans un salon cossu du château. Tandis qu’il poireaute sur un beau canapé en velours, un vieillard en chemise de nuit entre dans la pièce, s’accroupît derrière un fauteuil et tente de… déféquer ! En vain. Geoffroy l’ignore encore, mais il vient de faire connaissance avec le Roi Soleil, victime d’un problème de constipation. Or ce problème est dû à une pathologie bien réelle, à laquelle Geoffroy sera bientôt directement confronté…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 72 ans de règne – le plus long de l’Histoire de France – Louis XIV a eu le temps de diversifier les soucis de santé. Le journal de sa santé a d’ailleurs été consigné pour la postérité par ses médecins Vallot, d’Aquin et Fagon. Au milieu des maladies vénériennes, des furoncles et autres abcès cutanés, le pépin authentique le plus incongru fut sans doute cette fistule annale que dût soigner le chirurgien Charles-François Félix… Sans se louper, surtout, au risque de déclencher une crise politique grave ! Nous laisserons les plus curieux s’émerveiller devant les clichés qui ne manqueront pas d’apparaître lors d’une googueulisation de cette pathologie bénigne. A en croire l’inspiration de Philippe Charlot, la « plus fâcheuse et la plus pernicieuse de toutes les incommodités est aussi très drôle à raconter en BD. Le scénariste parvient à évoquer la lune du Roi Soleil en restant tout à fait convenant, sans jamais céder à de scabreuses facilités… ce qui place cet album à la portée de tous. Il envoie sur le devant de la scène (et le derrière du Roi) un apprenti chirurgien-barbier – hé oui, à l’époque, on pouvait cumuler les deux spécialités, à partir du moment où on savait manier un rasoir bien aiguisé. Le jeune parvenu fictionnel prend vite de l’importance à Versailles et se retrouve même mêlé à une conspiration régicide, en raison de l’accès privilégié qui lui est soudain donné à l’intimité du roi… mais on vous laissera découvrir cela à la lecture. Le récit de Charlot évoque les expérimentations du docteur Félix sur les cobayes du bas peuple, notamment pour tester ses deux outils spécialement inventés pour l’occasion : l’écarteur d’anus et le bistouri recourbé. Il paraîtrait que l’anecdote aurait aussi inspiré le compositeur Lully, puis Haendel pour son fameux God save the King devenu hymne national britannique… mais les anglais démentent fondamentalement. Le sujet est du pain béni pour la griffe semi réaliste expressive d’Eric Hübsch, qui montre tout de même une belle rigueur sur les intérieurs cossus à Versailles, les tenues et perruques nobles, ou les animations parmi les commerçants. Les deux auteurs se sont visiblement bien amusés avec ce sujet puisqu’ils préparent déjà un futur album basé sur un autre problème royal de santé : les ennuis uro-génitaux d’Henri IV.
