L'histoire :
Aléona est réveillée par sa mère à l’âge de 11 ans. Celle-ci lui dit adieu, lui annonce qu’elle va se suicider le lendemain et que sa petite fille doit être forte. Aléona affronte la journée suivante au collège avec une profonde angoisse, jusqu’à ce qu’elle découvre que sa mère est toujours à la maison et qu’il ne s’est rien passé. Mais depuis ce jour, la peur ne la quitte plus. C’est aussi à partir de cette nuit-là que sa mère commence à la réveiller régulièrement pour lui parler et lui donner des conseils sur la vie. La petite fille prend conscience qu’elle est différente, que sa vie avec sa mère n’est pas semblable à celle des autres enfants qui l’entourent, notamment en comparaison avec Astou, sa meilleure amie, qui vit dans une famille pleine de rires. Quand ses amis passent à l’improviste chez elle, elle refuse de les laisser entrer. Sa mère prie nuit et jour. Elle a transformé l’appartement en sanctuaire, et n’utilise que des bougies pour s’éclairer. Aléona est déscolarisée. Elle vit recluse dans une cabane avec sa mère, qui la menace de mort chaque nuit ou la supplie de la tuer. Peu à peu, Aléona commence elle aussi à avoir des pensées suicidaires. Heureusement, elle peut se confier à son carnet, dans lequel elle déverse tous les maux qui la traversent.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans son premier ouvrage chez Bubble, Souky, en tant qu’auteur complet, raconte sa propre histoire : la folie, la précarité et l’exclusion à travers ses yeux d’enfant. La mère, c’est son père, et la petite fille, c’est lui. Son père était paradoxal : un incroyable orateur en public, mais qui le réveillait toutes les nuits pour parfaire son éducation en lui inculquant des conseils. Il était tyrannique et éduquait son fils comme son « prototype ». Il a d’abord écrit cette histoire pour lui-même, pour exorciser à travers l’écriture et le dessin. Thérapeutique et personnelle, cette BD possède une portée universelle : la douleur et le silence d’un enfant face à un comportement parental inexpliqué. Souky n’utilise pas du tout l’outil numérique : c’est encore un artisan, avec du papier et un crayon. La mise en page est cohérente avec le récit ; les onomatopées et les dialogues jouent également un rôle dans le décor, accentuant davantage l’ambiance oppressante. Le graphisme est délicat, empreint de sensibilité. Il utilise la profondeur et l’obscurité pour évoquer le repli sur soi et le mur de silence qui s’est progressivement construit autour de la mère et de sa fille. Un isolement subi par la petite, face à la folie de sa mère. Néanmoins, son récit est tourné vers l’avenir, vers l’espoir et retrouve de la couleur à la fin. Une fin qui, d’ailleurs, donne envie de découvrir d’autres travaux de l’auteur... peut-être dans un autre registre.