L'histoire :
Comme cela se fait traditionnellement dans les campagnes chinoises, la tante de Liu Yun a été mise en relation par une entremetteuse avec son futur mari, lorsqu’elle a été âgée de vingt ans. Après quelques rencontres, ceux-ci se sont effectivement mariés. Et la vie est alors devenue une routine déprimante pour sa tante, recherchant, dans la moindre opportunité possible, un moment d’évasion ou de joie. Comme la traditionnelle réunion familiale de la fête du printemps.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce bel album cartonné se présente sous une couverture aquarellée Soft Touch classieuse aux tons chauds et tristes. Son papier épais présente tout d'abord un travail au pinceau effectué dans un lavis brun. Cette technique exquise déroule le quotidien de la tante de Liu, où le temps s'écoule sans heurt, de manière très routinière. Puis la fête du printemps apporte un peu de joie et les couleurs apparaissent, se faisant plus précises et vives, éclaboussantes, alors que seul deux moments relatifs à son mariage en avaient convoqués jusque-là quelques-unes. Puis le train-train de la vie revient, avec ses lavis sombres. Liu Yun exalte alors avec une finesse et une poésie très mélancoliques les questionnements de sa tante, comparant sa « renaissance » de la fête du printemps à celui du Colza dont la force jaune disparait le reste de l'année. Certes, ce récit ne raconte pas une grande histoire, mais il développe plutôt une version chinoise de la contemplation chère à un auteur japonais tel que Jiro Taniguchi, lui apportant cependant, en plus, un témoignage poignant sur l'« invisibilité » des femmes au foyer, ici dans une campagne chinoise. Cette condition est mise en avant à l'aide d'une technique douce, presqu'évanescente, au diapason de son propos. Un album léger comme un papillon, mais puissant comme un rayon de soleil en plein hiver.
