L'histoire :
Le monde est moche, en totale décrépitude. Il y a des guerres terribles, les forêts disparaissent, la faune crève massivement, les SDF aussi, dont on retrouve des corps inertes dans les couloirs du métro. Heureusement, pour échapper à ce quotidien horrible, une société de la tech a inventé le casque de réalité virtuel BAI – pour Brain Artificial Intelligence. Il suffit d’enfiler le casque et tout ce qu’on voit et qu’on entend se transforme en des situations positives ou joyeuses. Ce casque est une révolution, le produit de masse que tout le monde désire. Les grandes villes s’habillent d’ailleurs aux couleurs de la campagne promo démentielle qui accompagne la commercialisation de BAI. Une famille ne résiste pas à cet achat de noël pour le fiston. Ils n’ont plus de quoi s’acheter des vêtements décents, mais ce casque, bien sûr que si ! De toute façon, on ne trouve plus que ça dans les rayons vides des supermarchés. A l’extérieur, d’interminables files d’acheteurs se forment devant les boutiques. On distribue les casques comme des petits pains. A peine l’a-t-il essayé, que le fiston est conquis. Il ne peut bientôt plus se passer de son casque BAI…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Peut-être l’intelligence artificielle a-t-elle d’ores et déjà gagné son combat perfide contre l’humanité. Dans ce bouquin carré et entièrement muet, proposé par Fortu, l’IA recompose joyeusement la réalité hideuse du monde de demain. Car demain, les guerres et la pollution ont bel et bien fini de faire leur immonde œuvre, en effondrant l’humanité dans une ambiance post-apo de subsistance. « Heureusement », il y a le casque de génération de réalité virtuelle BAI (pour Brain Artificial Intelligence) qui rend tout autrement plus merveilleux ! Certes… mais au point de devenir une drogue dure chez l’adolescent au centre du récit, qui en perd toute notion sociale et tout bon sens. Fortu fait un dessin par page, la plupart du temps en présentant le monde réel sordide en vis-à-vis du monde virtuel édulcoré. La narration visuelle fait efficacement son œuvre sans jamais être nébuleuse, jusqu’à la conclusion terrible. Ce propos général, pour le moins radical, pourra certes paraître caricatural et réducteur… Pour autant, on a parfois l’impression, dès aujourd’hui quand on regarde les infos, que la réalité surpasse les pires fictions. Et ça fiche donc froid dans le dos.