L'histoire :
Eric Hayden, un ancien prêtre qui a renoncé au sacerdoce après avoir été témoin d'actes de pédophilie impunis, devient malgré lui le tuteur de Melvin, un jeune garçon de 10 ans dont la mère vient de mourir. Or, en arrivant à l'orphelinat pour emmener Melvin vers sa nouvelle vie, il apprend que le jeune garçon a fugué, sans même emporter son précieux ours en peluche. Eric entre alors en contact avec Elias, le policier en charge d'enquêter sur la disparition de Melvin, qui semble très sensible à l'inquiétude d'Eric. Etrangement, ce dernier devient pourtant menaçant lorsqu'Eric se décide à mener sa propre enquête. Pendant ce temps, Matthew, un soldat revenu d'Irak, tente de reconstruire sa vie avec sa fiancée retrouvée, malgré le souvenir de ses trois amis morts en embuscade. Il compte pour cela sur une relique précieuse rapportée de Bagdad, une œuvre d'art recouverte d'inscriptions mystérieuses, pour laquelle on serait prêt à lui offrir une petite fortune. Mais les choses se gâtent pour Matthew et sa fiancée, dont le sort va se retrouver lié à celui d'Eric et du jeune Melvin dans une énorme machination, qui dépasse de loin le cadre de leur quotidien…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Voici un album au scénario très ambitieux, qui fait appel, comme beaucoup d'autres ces dernières années, à des références bibliques pour crédibiliser une intrigue politico-religieuse à travers les siècles. On n'échappe pas aux désormais classiques extraits de la Bible pour entretenir le suspens… En progressant à travers l'album, on découvre petit à petit la complexité de l'histoire qui sous-tend deux destins a priori indépendants (ceux d'Eric et de Matthew) et on s'enfonce dans une histoire très noire qui ne recule devant rien pour assombrir le propos. Là où le bat blesse, c'est que l'expérience manque à Ludovic Lambour pour tenir son lecteur en haleine et gérer les ressorts d’une intrigue ambitieuse. Il est fréquemment nécessaire de retourner en arrière, en plein milieu de l'album, pour resituer un personnage qui vous a été présenté trop brièvement, où dont le visage fluctue d'une page à l'autre, au point d'en devenir méconnaissable. L'auteur le sait probablement, d'ailleurs, car il a affublé deux de ses personnages principaux de signes distinctifs (une barbe de 3 jours ou une calvitie), un moyen de compenser les difficultés à tenir un visage « stable ». Le dessin réaliste au trait rapide de Lambour a pourtant du caractère et exprime brillamment les sentiments cachés des personnages. Mais il souffre encore d'irrégularité, un défaut de jeunesse qui devrait se corriger rapidement. Ce style résolument contemporain semble d’ailleurs plus propice aux introspections existentielles qu'aux intrigues policières mystiques. Il ne serait pas surprenant que la prochaine œuvre de Lambour emprunte un registre différent. L'album souffre également sur le plan scénaristique d'un certain manque de crédibilité, qui pèse sur la lecture. Les multiples détails lourds et inutiles qui le parsèment sont autant d'indices du chemin qu’il reste à parcourir à Lambour pour capter pleinement le lecteur. En effet, des rencontres brèves avec des personnages, qui tiennent des propos mystérieux, laissent à penser qu'elles vont servir l'intrigue à un moment ou à un autre… mais au final rien du tout (page 44). Au final, la noirceur est présente de manière délibérée et appuyée dans cet album, qui fait un portait en creux de la société américaine, intéressant mais maladroitement esquissé. Il faudra se fier aux toutes dernières pages de ce volume imposant (191 pages) étonnamment claires et colorées, pour découvrir des perspectives prometteuses sur le potentiel de Ludovic Lambour, primé « Jeune Talent » à Angoulême, et qui ne devrait pas manquer de s'affirmer dans ses prochains albums.
