parution 10 septembre 2025  éditeur Casterman  Public ado / adulte  Mots clés Féminisme

Ces Lignes qui tracent mon corps

Témoignage d'une enfance à Téhéran, le récit oppose une enfance volée à la liberté retrouvée, du noir et blanc vers la couleur.


Ces Lignes qui tracent mon corps, bd chez Casterman de Kamari
  • Notre note Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • Scénario Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • dessin Yellow Star Yellow Star Yellow Star Grey Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

L'histoire :

Mansoureh revoit sa mère coudre son voile pour célébrer son Jashn-e Taklif. Au nom de la loi, elle devient adulte : la société peut désormais la punir comme une majeure, elle est en âge de se marier. Elle a neuf ans. Aujourd’hui, en contraste avec ce passé, elle pose nue dans un cours de modèle vivant. Amélie, étudiante en documentaire, la filme et l’interroge sur son parcours. Mansoureh supporte mal le regard occidental qui lui plaque des stéréotypes. Elle n’est pas courageuse, c'est une artiste rescapée. Élevée comme son frère aîné d’un an, elle ne comprend qu’à l’école la différence : à lui, la liberté de s’habiller et d’agir comme il l’entend ; à elle, l’interdit. Dans son pays et dans sa propre maison, elle ne s’est jamais sentie ni libre ni en sécurité. Elle se souvient des larmes de sa mère, de ses mains calleuses, et de la peur que lui inspirait son père. Celui-ci, propriétaire de sa femme et de ses six enfants, exerçait sur eux un droit de vie et de mort. Colérique, violent, autoritaire. Reviennent aussi les images de ses cousines, exécutées à quinze et seize ans pour avoir été trouvées en possession d’un tract dissident. Leur tante a dû payer les balles qui les avaient tuées. Et selon leur interprétation de la Sharia, il n’était pas permis de mettre à mort une jeune fille vierge… Mansoureh se souvient de son passé en Iran, de celui qu’elle tente d’effacer : l’impuissance qui l’a enfermée, la peur qu’elle cherche à étouffer. Mais la caméra d’Amélie et ses questions font tout remonter à la surface.

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

Mansoureh Kamari livre ici une part de son enfance à Téhéran. L’enfance d’une petite fille qui a très vite perdu son innocence. L’histoire d’un silence, d’une souffrance étouffée par la peur et l’isolement. Dans un pays où les femmes et leurs corps sont privés de liberté pour ne pas « attiser » le désir des hommes, les mains malgré tout se glissent, les regards s’imposent, les insultes fusent… La dissimulation et la privation ne remplaceront jamais l’éducation. La femme n’est qu’un objet assigné à répondre aux désirs masculins. La culpabilité, toujours, retombe du côté de la victime. Comment grandir dans un pays où il est impossible de vivre ? En contraste, l’autrice expose aujourd’hui son corps nu, offert aux regards qui ne sont ni libidineux ni inquisiteurs, mais simplement observateurs, admiratifs.
Le graphisme en noir et blanc se concentre sur les expressions du visage, le corps, les gestes, les tissus ; le décor, lui, est à peine esquissé, souvent gommé. Ce choix graphique traduit une forme de dépouillement : les visages, les corps contraints, les sensations gravées dans la chair. Le noir et blanc évoque aussi l’austérité, l’absence d’horizon, la rigidité d’un monde. Il inspire la gravité, mais aussi l’universalité : sans couleurs, l’histoire se détache du temps et du lieu pour devenir le témoignage de toutes les oppressions. Pas de couleurs pour le passé : il y a trop peu de joie qui affleure, sauf dans cette page où, enfant, elle se dessine allongée à même le sol, geste fragile d’une échappée vers l’imaginaire. La couleur n’apparaît qu’ensuite, lorsque l’artiste adulte se dévoile et se remémore : c’est le signe que sa vie lui appartient désormais, qu’elle se réapproprie son corps et son récit. Le passage du noir et blanc à la couleur traduit alors une renaissance, le basculement de l’oppression vers la création, de l’effacement vers la lumière. Le montage parallèle entre passé et présent, noir et blanc et couleur, est d’une justesse poignante : il oppose le silence à la parole, la peur à la liberté, l’ombre à la révélation.

voir la fiche officielle ISBN 9782203290006