L'histoire :
1938, Diane, 15 ans, flirte avec Alex, dans un camp d’été artistique du Massachusetts. Elle se marie avec Allan en 1941 à New York, et devient ainsi madame Diane Arbus. Ils apprennent tous les deux la photographie dans le but de devenir photographes de mode. En 1944, Alex est appelé en Inde. Diane est enceinte, elle ressent très peu d’enthousiasme à l’idée de devenir mère. Au retour de son mari, ils ouvrent leur studio photo de mode. Elle continue de côtoyer son grand ami Alex et, maintenant, sa femme Anne et leur fille May. Ils vivent les uns en face des autres et passent leurs vacances ensemble. Elle entretient une relation extra-conjugale, qui à la fois la comble et la culpabilise. Après un voyage en Europe avec sa famille, elle donne naissance à sa seconde fille. Diane ne voit plus d’« intérêt dans ce travail qui met en image l’artificiel », pourtant le studio tourne à plein régime. Elle veut faire de l’authentique, du réel. Elle a pris des cours de photographie auprès de grands noms comme Bérénice Abbott, Alexey Brodovitch et Lisette Model. Au cours d’une leçon avec cette dernière, elle exprime son souhait de « montrer l’interdit, ce qui est trop effrayant ou choquant pour les gens, ce que la société a appris à cacher ». Elle photographie tout le temps, elle arpente les rues de New York toute la journée avec son appareil photo autour du cou. Fascinée par l’étrangeté, elle apprécie particulièrement le film Freaks, de Tod Browning. Elle photographie Eddie, le géant, chez lui avec ses parents, puis Ethel Prédonzan, le premier enfant de Dieu, ainsi que des travestis rencontrés à la sortie d’un commissariat et des résidents dans des institutions pour handicapés. Elle rencontre un véritable succès à son exposition au musée d’art moderne, la presse ne parle que d’elle. Puis elle tombe malade et apprend qu’elle souffre d’une hépatite B chronique. Sa vie devient rythmée par la maladie, tout l’épuise. Même si la photographie l’aide à vaincre la solitude, des pensées noires l’envahissent. Elle obtiendra plusieurs commandes par des grands noms de la presse ; beaucoup seront avortées et ne verront jamais le jour, mais certaines permettront de publier ses photographies et de faire connaître davantage son travail.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Bruxelloise d’origine, Aurélie Wilmet a une formation d’artiste complète. Elle apprécie travailler avec différentes techniques et supports, elle aime mélanger les crayons de couleurs et les feutres. Elle dresse ici, dans un camaïeu de bleu, le portrait de Diane Arbus, femme photographe américaine du XXᵉ siècle. Elle mène son récit dans l’ordre chronologique : tout est daté et situé géographiquement, à chaque chapitre son histoire et sa situation. C’est très précis et documenté, les recherches préalables de l’autrice se ressent à la lecture. Malgré cet enchaînement méthodique, presque cartésien, Aurélie Wilmet parvient à retranscrire les émotions de son personnage. Elle réussit à donner corps à son héroïne et à ses états d’âme, notamment grâce aux mouvements des vagues bleues qui traversent l’album. Les dessins apparaissent comme des photos dans le bain révélateur du labo, autrement dit par touches progressives. Tout n’est pas dévoilé, la figure même de Diane se perd au travers des vagues de sa vie. Via son récit et son graphisme, elle insuffle de l’admiration pour cette artiste et nous transmet la bonté de cette femme ainsi que son regard photographique singulier pour l’époque. Elle contribue à la normalisation et l'acceptation de toutes les identités invisibilisées. Une splendide biographie d’une artiste remarquable par une autre prodigieuse.