L'histoire :
C’est la dernière nuit que « le Narcisse », fier trois mâts de la marine britannique, mouille en rade de Bombay. Sur le pont et alentours, les 18 hommes d’équipage s’affairent à terminer le chargement, à faire connaissance et à s’installer. Il y a Craik, gouailleur mais brave ; Wamibo, fort en bras mais indolent ; Singleton, vieux loup de mer expérimenté ; Donkin, un pauvre hère en guenille qui promet déjà d’instaurer une ambiance délétère… Et Jacques Patience, le retardataire, un grand et athlétique noir, qui tousse un peu. D’ailleurs, la promiscuité de la première nuit est difficile pour tout le monde : Patience crache littéralement ses poumons. Malgré cela, dès le lendemain, le navire lève les voiles et prend le large. Et dès les premières heures, l’état de santé de Patience empire. Le capitaine le consigne au lit et ses compagnons le déplacent dans une cabine isolée. Ils s’occupent néanmoins plutôt bien de lui, malgré un manque de gratitude manifeste de sa part. Certains disent qu’il simule, qu’il s’agit d’une supercherie pour tirer-au-flanc. Mais indéniablement, Patience faiblit, à mesure que forcit le vent. Un vent pénible, d’ailleurs, qui vient de face et s’apprête à démonter la mer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour commencer, ouvrons une parenthèse culturelle : on dit d’un voilier qu’il est « Vent debout », lorsqu’il est face au vent et que, donc, il ne peut avancer en droite ligne vers son cap (il est alors obligé de louvoyer, c'est-à-dire de progresser en zigzag). Ici, c’est ce qui arrive à l’équipage du Narcisse, durant tout le voyage, même si l’expression sert avant tout de métaphore. En effet, en marge de multiples contingences dramatiques – une ambiance de mutinerie, un quasi-naufrage et la maladie (imaginaire ?) d’un matelot – le propos relate surtout les conditions humaines et psychologiques ardues, à bord d’un voilier au long cours, à la fin du XIXe siècle. L’auteur, Renaud de Heyn, fait en fait l’adaptation fidèle de The Nigger of the Narcissus (Le nègre du Narcisse< /i>), de Joseph Conrad, roman qui précéda son célèbre Au cœur des ténèbres. Son style graphique, tout en couleurs directes, est solide, talentueux et très travaillé, et il est immensément dommage qu’il manque autant de netteté, de lisibilité. De même, si les dialogues semblent fidèles au phrasé et aux mœurs de l’époque, il est, de fait, parfois bien difficile de comprendre le sens des échanges entre ces marins. Cette adaptation en one-shot comblera tout de même pleinement les amateurs d’embruns et d’aventures historiques authentiques, et elle donne surtout furieusement envie de (re)découvrir le roman…
