L'histoire :
Tout commence à Charleville-Mézières, dans le Vieux Moulin, ce bâtiment du XVIIIᵉ siècle qui abrite le musée Arthur Rimbaud. Joël Alessandra y prépare une exposition : des aquarelles réalisées lors de ses voyages en Afrique de l’Est, dans ces terres foulées par le poète pendant les 10 dernières années de sa vie. Pour l’occasion, il loge juste en face, dans la maison où vécut Rimbaud – aujourd’hui transformée en musée et résidence d’auteur. Les jours passent, il accroche ses œuvres, échange avec le directeur du lieu, qui lui confie que Rimbaud évoquait souvent l’Abyssinie dans ses lettres. La nuit venue, l’artiste dort sous le même toit que le poète, et quelque chose d’étrange se produit : il rêve de Rimbaud. Dans ce songe, Arthur lui parle, lui confie qu’il existe un dernier vers, écrit pour une femme nommée Mariam, restée là-bas, en Afrique. Le lendemain, troublé, Alessandra raconte son rêve. Le directeur du musée sourit : « Vous n’êtes pas le premier à sentir sa présence ici. Beaucoup disent qu’il hante encore la maison. » Ni une, ni deux, c'est décidé, l’artiste fait le choix de partir sur les traces de Rimbaud. Ce voyage devient une double quête : géographique et intime. Alessandra, récemment séparé, cherche autant à retrouver les pas du poète qu’à se retrouver lui-même, dans les paysages brûlants où Rimbaud a aimé, vécu et disparu.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rimbaud, c’est une énigme littéraire à lui tout seul. Un jeune homme qui, à 19 ans, renonce à la poésie après avoir bouleversé la langue française avec Le Dormeur du val, Le Bateau ivre, Les Illuminations ou encore Voyelles. À 20 ans à peine, il tourne le dos à la littérature et s’en va vers Java, Alexandrie, Aden, avant de poser ses bagages au détroit de Bab-el-Mandeb... la Porte des Larmes, entre mer Rouge et océan Indien. C’est ce mystère qu’interroge Joël Alessandra. L’aquarelliste se met en scène, marchant dans les semelles de Rimbaud, à la recherche des derniers « alessandrins » du poète. Il revisite ces terres où Rimbaud aurait aimé une femme éthiopienne, Mariam, muse supposée d’un ultime poème jamais retrouvé. Le temps a passé : les chevaux ont fait place aux voitures, les pistes sont devenues des routes asphaltées, les villages ont grandi. Pourtant, Alessandra tente de retrouver, sous les couches du présent, la vibration d’un passé encore brûlant. Ses aquarelles, d’une grande douceur, font voyager : elles mêlent poussière, lumière et mélancolie, comme si chaque pigment portait un écho de Rimbaud. On a parfois le sentiment que le poète guide nos pas de lecture. Ce n’est pas seulement un carnet de voyage, mais une traversée spirituelle, où Alessandra explore à la fois les paysages d’Afrique et les zones d’ombre d’un génie fuyant, avec au bout une vie qui pourrait prendre un nouveau virage. Un bel hommage à la fois pudique et habité, porté par la beauté du trait et le parfum d’un mystère qui, décidément, ne s’éteint jamais.