L'histoire :
Charlotte, Impératrice du Mexique, embarque pour la France avec l’espoir de redorer le blason terni de son empire à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris. La traversée est un supplice et ne se déroule pas sous les meilleurs auspices, sous l'œil suspicieux de la Comtesse de Zichy, sa dame de compagnie. Malade, prostrée, isolée dans une cabine bruyante au-dessus de la salle des machines, Charlotte ne parvient pas à quitter son lit, même lors d’escales à terre. Le bruit de la machinerie, insoutenable pour la monarque, pousse même l'équipage à matelasser les parois de sa chambre. À peine débarquée à Saint-Nazaire, elle est accueillie non pas par les fastes qu’elle imaginait, mais par une erreur de protocole : les drapeaux ne sont pas les bons, les honneurs sont absents, et seul le maire local vient à sa rencontre. On lui propose une chambre à l’hôtel, mais elle n’aspire qu’à rejoindre Paris au plus vite. Cloîtrée pour la nuit, elle lit et relit la lettre de son frère Philippe, dernier lien ténu avec la famille, tandis que sa solitude se fait chaque jour plus pesante. Le lendemain, elle prend le train pour Paris. Les ambassadeurs mexicains en poste, M. et Mme Almonte, l’accueillent chaleureusement et l’informent des ragots politiques. Tandis qu’elle espère encore convaincre Napoléon III de s’engager pour le Mexique, Charlotte se confronte à une réalité plus cruelle : la France a englouti 300 millions dans cette aventure et il se décide à fermer le robinet...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dernier volet d’une fresque historique passionnante. 60 ans de solitude referme avec brio la destinée tragique de Charlotte de Belgique. Fabien Nury signe un scénario magistral, entre grandeur impériale et naufrage intime, où se mêlent l’absurde et le sublime. Le couple formé par Charlotte et Maximilien, promis à un destin royal, s’effondre dans une épopée surréaliste : un trône mexicain offert à deux souverains européens déconnectés des réalités du monde. Charlotte, progressivement rongée par la solitude et la folie, glisse dans une étrangeté poignante, entre règlements de compte, hallucinations et enfermement. Nury convoque Conrad et Shakespeare, Kubrick et le western, pour tisser une tragédie à la fois politique et profondément humaine. Face à lui, le dessin de Mathieu Bonhomme atteint une intensité rare. Chaque case semble pensée comme un plan de cinéma. Ruptures de cadrage, plans serrés, vues de trois quarts, plongées audacieuses : tout participe à une dynamique graphique d’une grande précision. L’accouchement, le duel, les scènes de claustration… chaque séquence est montée comme une scène de film, avec des variations de rythme et de focale qui renforcent la tension dramatique. Rien n’est figé, tout vibre, tout respire. Le trait élégant de Bonhomme devient ici travail d’orfèvre, épousant les états d’âme de Charlotte, dont le visage, au fil des pages, perd sa lumière pour laisser transparaître la folie. Une œuvre majeure, qui scelle l’un des cycles les plus marquants de la bande dessinée contemporaine.
