L'histoire :
En septembre 1999, la sonde Mars Climate Orbiter s’apprête à se mettre en orbite autour de la planète rouge. Mais à la stupéfaction générale, la sonde grille et disparait dans l’atmosphère martienne. L’erreur de trajectoire trouve étonnamment son origine trois siècles plus tôt, alors qu’un bateau pirate, « Le fieffé coquin », attaque une caravelle française. Les pirates sont joviaux et expérimentés. Notamment le vieux boucanier Louis qui, grace à sa dosette très personnelle, a su précisément la quantité de poudre utiliser pour que son canon envoie un bon gros boulet dans la dunette du navire qu’ils arraisonnent. Louis est fierot ; le capitaine pirate (du moment) un peu moins : la cargaison qu’ils pillent est super décevante : des draps, du vin, des pommes, des pruneaux… Ha si, il y a bien un vieux savant qui protège avec acharnement une boîte verticale. S’il y accorde autant d’importance, c’est que celle-ci doit contenir des objets de valeur ? Une fois rentrés à leur base de Cocagna, sur une petite île tropicale, le capitaine et son second ouvrent la boîte et découvre trois mystérieux objets : une longue tige en laiton, un cube vide et une fiole également vide. Ils pensent initialement que ces trois machins sont les éléments d’une arme secrète. Ils ignorent alors qu’il s’agit des trois outils-repère pour le nouveau système de mesures inventé par les français, le « système métrique », que Joseph Dombey tente d’implanter aux USA, afin de normaliser les échanges commerciaux…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le duo de la Bibliomule de Cordoue réitère une collaboration autour d’un one-shot sur une thématique proche : la transmission du savoir, dans la bonne humeur. Le décorum est cette fois une île tropicale volcanique de la mer des Caraïbes et les acteurs sont des pirates bien plus sympatoches que sanguinaires. Quant au sujet, il est historiquement et scientifiquement primordial. La couillonne confusion d’unités de mesure est en effet réellement à l’origine du crash de la sonde Mars Climate Orbiter en 1999, qui entame l’album en flashforward ! Mais revenons à notre fin XVIIIe siècle. Durant la période de la Terreur, le naturaliste français Joseph Dombey a authentiquement été chargé d’aller présenter à la jeune république des Etats Unis les étalons des poids et mesures du nouveau système métrique, sensé normaliser les échanges commerciaux. Hélas, comme pour finir en beauté sur sa réputation de malchanceux, il n’est jamais arrivé et on suppute qu’il fut effectivement attaqué par des pirates. Dans cette version loufoque scénarisée avec dynamisme et une verve humoristique contemporaine, Lupano n’achève certes pas Dombey avec de méchants pirates, mais avec une éruption volcanique finale. Entre temps, on aura chanté la Cocagnaaa avec cette bande de joyeux drilles et on aura bouffé des tonnes de poulet des montagnes (en réalité de grosses et proliférantes grenouilles). On aura aussi découvert l’île de Montserrat, le système « démocratique » des flibustiers (l’anarchie est une marotte de Lupano, cf. Les vieux fourneaux) et surtout l’importance du système métrique, une invention révolutionnaire pour l’époque. Léonard Chemineau met au service de cette aventure dingo-didactique tout son talent de dessinateur semi-réaliste et c’est follement agréable.