L'histoire :
Au cœur de Lisbonne, en 1990, le patron d'un magasin de disques est reconnu par un client qui est persuadé de l'avoir vu jouer sur scène, en France, quelques années plus tôt. Le client ne se souvient plus du nom du groupe, mais de toute évidence son souvenir est exact. Il s'en va sans que le type au comptoir, qui prétend s'appeler Did et être d'origine écossaise, n'ait confirmé quoi que ce soit. C'est pourtant la vérité : son vrai nom est Gilles Bertin. Il était le chanteur de Camera Silens, un groupe punk bordelais du début des années 80. Neuf ans plus tôt, Gilles rejoint une bande de potes dans un appartement miteux où ils s'installent avec les moyens du bord. Ils sont les membres du groupe qui n'a pas encore vraiment commencé à répéter. Les amis sont fascinés par les récits des membres célèbres de la Fraction Armée Rouge, groupuscule terroriste révolutionnaire de la décennie précédente ; une attitude radicale qui les inspire. La drogue, en particulier l'héroiïe, font partie de leur quotidien. Ils ne peuvent plus s'en passer malgré leur envie de travailler leur musique. Le premier tremplin musical auquel ils participent est dominé par la prestation de Bertrand Cantat avec Noirs Désirs, qui s'écrivait encore au pluriel. Ils se classent malgré tout juste derrière. Grâce à la séparation provisoire du groupe de Cantat, ils héritent de la semaine d'enregistrement en studio réservée au vainqueur. C'est le début de leur carrière, interrompue par un séjour en prison, une sortie avec de nouvelles relations, et pour Gilles de premiers braquages essentiellement pour l'adrénaline, entre deux concerts. Jusqu'au braquage de trop, qui l'obligera à quitter la France et vivre caché.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vue de l'intérieur, la cavale de Gilles Bertin est racontée sans complaisance mais aussi sans jugement particulier. L'album fonctionne avec une série d'aller-retours entre le présent de Gilles et les étapes de la décennie qui l'a vu sombrer dans le banditisme. Tout est visible sur le net, des clips du groupe sur les plateaux de télé au reportage du journal télévisé de la clôture de sa cavale. L'auteur Stéphane Oiry maîtrise très bien la construction de son récit. Le tempo est parfait, avec juste ce qu'il faut de temps de pause aux côtés de Gilles qui réfléchit à son sort de fugitif sans possibilité de retour, parano dès qu'il croise ce qui ressemble à une voiture de police. La plongée dans les dernières années du punk (on est au milieu des années 80) est intéressante et donne même envie de l'avoir vécue d'un peu plus près. Les rendus de scènes de concert sont crédibles, Oiry semble raconter des moments qu'il a lui-même vécues. La BO de l'album est une véritable plongée dans un mouvement musical un peu oublié, qui a succédé à la profusion de pop des années 70, voulant tout balayer sur son passage avec des accords simples et des attitudes transgressives. La vie du chanteur du groupe devenu braqueur est comme une tranche d'Histoire, une plongée dans une époque dont les enjeux semblent incroyablement anciens, tellement différents du monde actuel. Une réussite aussi bien par le sujet choisi que par son traitement narratif.