L'histoire :
Lausanne, printemps 1968. Paulin, petit garçon rêveur, marche aux côtés de sa mémé dans les rues de la ville. Alors qu’elle presse le pas pour ne pas rater le trollébus, Paulin, lui, croit dur comme fer qu’il arrivera… et il a raison. Une fois monté, il observe tout avec fascination : les gestes du conducteur, les boutons, les manettes, chaque mouvement devient un rituel magique. Le trollé devient une obsession joyeuse. Chez lui, dans la rue, à l’école, Paulin transforme tout ce qu’il touche en univers parallèle, avec son caddie devenu bus, ses petits jouets qu’il anime comme des passagers, et même le parapluie de sa mémé qui prend vie. À l’école, pourtant, les adultes s’inquiètent : premier en poésie, mais dernier en tout le reste. Paulin dérange parce qu’il ne rentre pas dans les cases. Mais sa grand-mère le sait : ce gamin-là est un être à part, traversé par une forme de poésie douce, fantasque, presque délirante. Un enfant qui rêve plus qu’il n’apprend – et c’est peut-être là sa plus grande richesse.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Qui c’est celui-là ? Faut qu’on me l’dit, d’où il sort, ce gars-là… ». La chanson de Pierre Vassiliu rythme cette bande dessinée poignante qui retrace le destin de Paulin Duc, rêveur solitaire et constructeur de trolleys imaginaires. Inspiré par Martial Richoz, figure emblématique des rues de Lausanne dans les années 80, ce personnage lunaire, en dehors du système, interroge notre définition de l'originalité, perçue par certains comme une folie. Sortir des clous, c'est mal vu. Inoffensif, artiste sur les bords, Monsieur Hulot sur les abords, Paulin trouve dans ses trolleys une échappatoire à la souffrance intérieure, celle de ne pas être compris. Jusqu’au jour où, après une altercation, il est interné. La société bascule, et l’absurde s’invite. Sophia Adriansen signe un scénario fin, dense, qui nous fait doucement glisser dans l’univers de Paulin. Le dessin d’Arnaud Nebbache, tout en délicatesse et en teintes douces, flou comme les frontières entre raison et imagination, accompagne cette plongée sensible dans ce « conte de la folie ordinaire ». Un album un poil long, mais nécessaire pour s’installer dans ce conte kafkaïen. Un de ses chariots, ainsi que ses dessins de lignes de trolleybus, figurent aujourd’hui dans la Collection de l’Art brut de Lausanne. Martial Richoz s’est éteint en 2024, des suites d’une longue maladie. Voie de garage est un vibrant testament qui anime notre réflexion et qui résonne après la lecture.