L'histoire :
Lucile, photographe et mère de famille, sombre dans la mélancolie après la mort de son père. Sa tendance au rangement et au nettoyage commence à virer à l’obsession depuis le décès. Et lorsque Lucile se retrouve devant un plat de spaghetti complètement emmêlés les uns aux autres, elle ne peut s’empêcher d’y voir un lien avec le sac de nœuds qui lui bouffe la vie. Elle est comme dépossédée d’elle-même. Encore habitée par un rêve étrange d’une femme qui lui murmure quelque chose, la jeune femme est vite sortie de sa torpeur par les cris de ses filles. Ces dernières se disputent une robe bleue. Venue calmer les enfants, Lucile découvre que le vêtement était à elle quand elle était petite et se souvient que cette robe était un cadeau de sa grand-mère. Lorsque son époux rentre à la maison, une dispute est sur le point d’éclater. C’est à ce moment-là que Lucile se pose des questions sur elle-même. Où est passée sa joie ? Sa joie d’enfant ? Et si elle essayait de redevenir heureuse, histoire de donner l’exemple ? Pour ce faire, elle décide de retrouver une photo d’elle, enfant, avec cette robe bleue et part sur les lieux de son enfance. Arrivée dans son village natal, elle retrouve sa mère, étonnée de voir sa fille revenir pour retrouver une simple photo. Lorsque Lucile ressort le vieil album de famille, elle voit que la photo n’y est plus. Quelques secondes plus tard, elle se souvient : c’est cette photo qu’elle a mis dans le cercueil de son père…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il est des lectures qui remuent doucement. Abîmes, premier roman graphique de Lucile Corbeille, en fait partie. Avec pudeur, l’autrice explore les cicatrices muettes d’une histoire familiale trouée de silences. Lucile, mère de famille et photographe, est à un moment de bascule. Depuis la mort de son père, une mélancolie l’enveloppe et une robe bleue disputée entre ses filles déclenche un retour vers ses propres souvenirs. Ce vêtement, transmis de mère en fille, agit comme un fil reliant les générations — et leurs blessures. À partir de là, Corbeille ne raconte pas : elle tisse. Albums photos, fragments de mémoire, bribes de conversation... Chaque élément dévoile une vérité enfouie. L’alcoolisme, les amours interdites, le poids des silences : tout affleure avec une rare délicatesse. Graphiquement, l’aquarelle adoucit les contours, efface volontairement les visages. Les silhouettes pâles, les yeux absents, dessinent une mémoire floue, hantée. Une esthétique qui dit l’indicible... Mais ce qui touche, c’est l’écho universel. Si l’histoire est intime, elle résonne avec les failles de chacun. Qui n’a jamais tenté de comprendre ce qui, en soi, ne nous appartient pas tout à fait ? Avec Abîmes, Lucile Corbeille signe une œuvre douce et puissante. Une quête d’identité, un poème en creux. On referme le livre, avec l’envie de rouvrir, à notre tour, les vieux albums photos.