L'histoire :
Geneviève a grandi dans les années 1950. On ne lui a jamais parlé de sexualité, mais elle comprend vite que pour les filles, c'est un sujet d'inquiétude. Dans les toilettes à l'école, elle surprend des conversations entre copines, où certaines avancent qu'elles ont des retards de règles, et où d'autres parlent d'aiguilles à tricoter. La charge mentale est omniprésente et les questions culpabilisantes tournent en boucle dans sa tête. En 2024, la liberté de recourir à l'IVG s'inscrit dans la Constitution, et Geneviève en parle avec sa petite-fille : c'est un grand jour ! Mais elle a aussi le besoin de lui raconter son histoire. Alors elle se lance. Geneviève tombe amoureuse d'un homme alors qu'elle fait ses études sur Paris, et elle commence à avoir des doutes pendant les vacances de Pâques, alors qu'elle est en famille. Par peur d'affronter son médecin de famille, elle en consulte un inconnu au bataillon, qui l'infantilise, la fait culpabiliser, et lui confirme qu'elle est enceinte. D'abord sidérée, elle finit par en parler à une amie. Or il s'avère que celle-ci connaît une femme qui fait ÇA. Geneviève risque la prison, est terrorisée à l'idée d'avoir mal, elle a peur de ne plus pouvoir avoir d'enfants... Elle va voir cette « faiseuse d'anges » qui l'accueille froidement, lui ordonne de ne pas crier, et lui rappelle aussi qu'il ne faut pas se mettre dans cette situation si elle est incapable d'en assumer les conséquences. Geneviève a honte, elle a peur, elle a mal. Elle est seule, alors qu'au fond, elles sont si nombreuses... Elle a mis beaucoup de temps à se débarrasser de cette honte. Sa petite-fille la rassure : ça n'arrivera jamais maintenant, c'est fini. Mais Geneviève la met en garde : qu'elle se méfie... Avec ce qui se passe dans les autres pays, les combats féministes sont loin d'être acquis.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Léa Bordier et Marjorie Demaria, les autrices de ce recueil, se sont associées à plusieurs dessinatrices : Violette Bénilan, Anne-Olivia Messana, Edith Chambon et Lucymacaroni. Léa Bordier se fait avorter alors qu'elle a 17 ans, en 2009, à une période où le sujet est encore tabou, où on n'en parle pas. Dix ans plus tard, elle ressent le besoin de comprendre pourquoi le silence et la honte se sont imposés à elle à ce moment-là. Elle réalise alors un documentaire, IVG, le droit d'en parler, dans lequel elle donne la parole à celles qui l'ont vécu. Elle ressent, en préparant ce documentaire, une urgence à parler de l'IVG, de libérer la parole. Alors elle s'inspire de huit de ces témoignages de femmes, et demande à des autrices de les illustrer, pour que ceux-ci soient accessibles sous un format BD. Ce livre regroupe ces huit témoignages, et chaque autrice en illustre deux. Les styles graphiques sont différents et permettent de distinguer les différents parcours de femmes. Nous comprenons que même si l'IVG concerne toutes les femmes, d'une façon universelle dans le sens où chacune peut y être confrontée dans sa vie, nous saisissons aussi que chaque vécu est différent, chaque expérience d'avortement est individuelle. Toutes les femmes ne le vivront pas de la même manière, n'auront pas les mêmes raisons d'y avoir recours, n'auront pas recours aux mêmes méthodes, n'auront pas la même gestion de la douleur. Toujours perçu comme un sujet tabou, cette bande dessinée permet de valoriser des récits intimes et personnels, trop souvent oubliés.