L'histoire :
Août 1492. En pleine mer, un navire traverse une tempête apocalyptique. À son bord, Dom Mathias, émissaire du Saint-Père, et Messire Richard, fidèle protecteur, affrontent des vagues déchaînées dans une nuit de chaos. Au matin, le navire a résisté. Sains et saufs, ils reprennent leur route vers le Groenland, cette « Terre verte » nommée par ironie : un bout du monde glacé, oublié de Dieu, où Dom Mathias doit restaurer un évêché abandonné depuis un siècle. Quand ils posent enfin pied à terre, ils découvrent une communauté étrange, recluse, presque mystique. Un homme bossu, Krāka, les accueille par des grimaces. Des villageois hagards semblent attendre un miracle. Une femme d'une beauté insouciante prend les devants, promettant l’hospitalité à Gardar, la cité où brille encore, pense-t-elle, la grandeur passée. Dom Mathias, convaincu de la foi persistante de ces âmes perdues, se donne pour mission de les ramener dans le giron de l’Église. Mais plus rien ne semble tout à fait normal sur cette terre blanche, figée entre oubli, superstition et espérance.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec La Terre Verte, Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle livrent une fresque crépusculaire, envoûtante et vertigineuse. Inspiré par la légende d’un Groenland jadis verdoyant, le récit nous plonge à la fin du XVème siècle, dans une communauté glacée en déshérence, sur laquelle plane une atmosphère étrange, presque mystique. Un personnage mystérieux, antipathique, au passé trouble, y débarque comme un intrus shakespearien – difficile de ne pas penser à Richard III ou Hamlet. La dramaturgie d’Ayroles, toujours aussi précise, donne à cette aventure une densité rare : sous des dialogues ciselés, affleure une réflexion sur la fin d’un monde, qui fait écho à nos incertitudes contemporaines. Le talent d’Ayroles, déjà à l’œuvre dans Les Indes fourbes, consiste à entraîner ses dessinateurs dans une direction nouvelle, sans jamais les trahir. Ici, Tanquerelle sort de ses repères pour embrasser un dessin tout en matières et atmosphères, entre encre de Chine et graphite, sublimé par les couleurs subtiles d’Isabelle Merlet. C’est une bande dessinée habitée, portée par un duo totalement accordé. Une aventure aussi romanesque que troublante, dans laquelle on s’enfonce avec fascination.