L'histoire :
Louisiane, juin 1881, sur un îlot isolé accessible par un simple ponton de bois, une fête bat son plein. Tandis que Beef s’abandonne aux bras d’une danseuse, le marshal River Bass n’a qu’une idée en tête : retrouver son fils, David, surnommé Jack le Borgne, légende de la trompette dans tout le delta. River veut recoller les morceaux d’une famille éclatée depuis le braquage sanglant de Hell Paso. Mais les retrouvailles tournent court : les rancœurs sont tenaces, et Jack ne veut rien entendre. Seule l’évocation d’un grand-père à Clifton offre une maigre piste. Ivre de regrets et d’alcool, River échappe de justesse à un piège tendu par Fred White, futur shérif d’Olive Grove — un homme à qui il devra rendre des comptes. L’esprit embrumé, les souvenirs fragmentés, deux noms résonnent dans sa tête : Clifton et Olive Grove. Le marshal titube vers l’inconnu, en quête de rédemption… ou peut-être vers sa propre fin. Car dans l’Ouest, il y a mille façons de mourir... et River Bass est en train d’en choisir une.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Crépuscule, ultime volet de la série, couronne de manière saisissante l'aventure de River Bass, pionnier afro-américain parmi les marshals de l'Ouest sauvage. Darko Macan signe avec brio ce 12ème tome qui clôt une saga d'une remarquable constance qualitative. L'intrigue s'articule autour de la quête poignante d'un père vieillissant à la recherche de son fils perdu. River, désormais marqué par le poids des années et des épreuves, parcourt le delta à la poursuite de David, devenu Jack le Borgne, virtuose de la trompette au passé trouble. Cette ultime tentative de réconciliation familiale résonne comme l'aboutissement d'un des thèmes fondamentaux qui ont façonné la série : la rédemption. Les non-dits et les rancœurs accumulés depuis le tragique braquage de Hell Paso pèsent lourdement sur cette famille fracturée. La narration alterne avec une maîtrise consommée entre passages d'une tension psychologique palpable, séquences d'une violence crue et moments de vulnérabilité où River se révèle dans toute son humanité fragile. Cette composition rythmique confère au récit une densité particulière, sans jamais sacrifier ce souffle narratif caractéristique de la série. Macan excelle dans l'art d'entrelacer les thématiques de la filiation, du pardon impossible et du destin inexorable, tissant une trame narrative d'une profondeur remarquable. La force de Marshal Bass réside également dans la symbiose parfaite entre scénario et réalisation graphique. Igor Kordey, fidèle au poste depuis le premier tome, déploie son style incisif et expressionniste, immédiatement identifiable. Son trait nerveux sculpte des personnages d'une présence saisissante, taillés à même la roche des épreuves traversées. Les décors foisonnent de détails minutieux qui ancrent l'action dans un Ouest américain d'une authenticité frappante, presque tactile. La palette chromatique, sophistiquée sans jamais verser dans l'ostentation, renforce l'atmosphère chargée du récit. Conformément à une tradition établie au fil des albums, Crépuscule offre l'une de ces doubles pages muettes devenues la signature visuelle de la série. Ces vastes compositions où l'image se substitue aux mots permettent à Kordey de déployer tout son talent narratif, amplifiant l'émotion d'une scène clé ou magnifiant la grandeur d'un instant suspendu entre passé et présent. L'exploit de Marshal Bass réside dans sa remarquable longévité qualitative. Loin de s'essouffler au fil des douze tomes, la série a maintenu une cohérence narrative et une intensité émotionnelle constantes. Crépuscule referme ce cycle avec une intelligence scénaristique et une sobriété graphique qui font honneur à l'ensemble de l'œuvre, concluant de façon émouvante l'histoire de cet homme hanté par ses démons intérieurs et sa quête désespérée de rédemption.