L'histoire :
Constance naît dans une famille à l’apparence sans histoire. Elle est la cadette d’une famille hétéroparentale. Alor qu'elle est bébé, un monstre vient la distraire au-dessus de son berceau. Elle lui adresse un large sourire, sans peur. Elle n’émet aucune frayeur. Sa mère, d'une jalousie maladive, craint que sa fille ne devienne plus belle qu'elle et qu'elle lui vole ainsi la place de la plus jolie femme de la famille Heureusement, son monstre, Horace III, tel un ange gardien, veille sur elle et lui offre une sorte de réconfort. Avant de partir, il lui laisse son autoportrait accroché au-dessus de son berceau – celui-ci agira comme un talisman de protection. Ses parents sont d'une rigueur extrême : elle n’a pas le droit de sortir, doit toujours être impeccable, bien coiffée, sourire constamment et surveiller ses paroles. Son grand-frère Louis, auquel elle est très attachée, décède alors d’une mystérieuse maladie. Suite à une forte fièvre, ses parents restreignent encore davantage ses faits et ses gestes. Dans un accès de rage, Constance déchire brutalement le portrait d’Horace. C’est alors qu’une troupe de loups féroces hante ses nuits. Heureusement, le monstre réapparaît auprès d’elle, tel un ami. Il veille sur elle et la distrait comme il le peut, de ce pauvre univers morose. Intriguée par une lettre que son père refuse de prendre, Constance décide de la dérober avec l’aide d’une bande de gamins. Elle rencontre par ce biais Timothée, un garçon orphelin de son âge. Il lui promet qu’il reviendra lui rendre visite. Elle se réjouit à l’avance de pouvoir avoir un ami humain. De retour chez elle, elle découvre l’expéditeur et le contenu de la lettre mystère. Furieuse, elle confronte ses parents à leurs mensonges, révélés par le contenu de la lettre. Après l'esclandre, ses parents l'enferment dans sa chambre. Mais cette fois, Constance refuse d'être la petite fille docile et promet de ne pas en rester là !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette BD jeunesse est surprenante, tant par son graphisme que par son propos. Dès la couverture, le lecteur est trompé par le dessin : on s’attend à plonger dans un univers à la Lewis Carroll, avec une petite fille blonde qui nous fixe de ses grands yeux, une mystérieuse ombre couvrant la moitié de son visage. Comme la promesse d’un monde féerique et énigmatique, caché de l’autre côté du terrier. Le décor bourgeois du début du XXe siècle, magnifiquement mis en images par la prolifique illustratrice Luisa Russo dans un style classique, renforce cette première impression. Pourtant, dès les premières répliques des personnages, l’univers merveilleux et rassurant imaginé jusqu’alors s’effondre. Car après l’apparente entrée dans un conte digne de Lewis Carroll, le lecteur se retrouve plutôt dans un récit à la manière de la Comtesse de Ségur. Très vite, une atmosphère oppressante et menaçante s’installe, non pas en raison du monstre tapi près du berceau, mais bien malgré lui. Ingrid Chabbert, habituée des récits jeunesse, aborde ici une réalité sombre : celle d’une enfance brisée, maltraitée par des parents abusifs. L’existence de la fillette se résume à l’enfermement entre les quatre murs d’une maison où toute distraction est bannie, remplacée par une discipline de fer imposée par une matriarche tyrannique. La profonde solitude, l’asservissement total à une autorité parentale inflexible, la tristesse et la lassitude de l’enfant transpercent les pages. Dans cet enfer domestique, elle trouve un refuge dans le fantastique : un monstre, véritable ange gardien, veille sur elle et tente de l’apaiser, comme il le peut. Cette bande dessinée audacieuse traite avec délicatesse d’un sujet difficile, mais s’achève néanmoins sur une note d’espoir.