L'histoire :
Sanz et Lenoir se déplacent sur le lieu d'assassinat d'une jeune femme, qui présente des caractéristiques communes avec une série de meurtres commis depuis plusieurs années. Ils semblent cohérents, à chaque fois des morceaux de cordes en forme de lettres sur les lieux des crimes. Assemblées, les lettres forment un message mystérieux. Dans un grand cinéma de la ville, un prêtre est retrouvé mort avec dans sa bouche des bobines de film. Le journaliste était présent à la projection. Il subtilise la pellicule couverte de sang et s'enfuit avant l'arrivée des forces de police. Lorsqu'il les visualise avec Sanz, ils découvrent des images scabreuses de l'homme d'église en compagnie d'une jeune femme. Dans la capitale espagnole, l'évènement du moment est l'arrivée d'une prestigieuse équipe de tournage américaine. Le régime franquiste en voie de normalisation – l'Espagne a intégré l'ONU – offre des conditions en or aux producteurs américains. Une main d'œuvre sous-payée pour fournir des centaines de figurants. Lenoir est mandaté pour aller faire des photos pendant le cocktail offert à cette occasion. Il sera le témoin d'une scène inédite, un suicide spectaculaire, et l'affichage d'un immense drap sur lequel Franco est comparé à Hitler. Le choc est énorme, le régime veut à tout prix empêcher la diffusion des photos prises sur place.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le personnage de Lenoir devient plus profond dans ce deuxième tome. Avec des flashbacks dans sa petite enfance séparée de sa mère, vivant chez son oncle et sa tante, avec ses cousines autour de lui. L'intrigue mise en place sur la base d'évènements a priori incohérents va petit à petit se focaliser et devenir une véritable enquête policière dans laquelle le journaliste va jouer un rôle de plus en plus déterminant. L'auteure Teresa Valero ne va pas traiter cette enquête seulement, elle va s'employer à décrire les enjeux de pouvoir, le contrôle de la société dans l'Espagne franquiste. Lenoir et Sanz sont un prétexte pour mettre en scène des faits marquants inspirés de la véritable histoire de l'Espagne, et longuement remis en perspective dans la postface du livre. Ce qui frappe également à la lecture de ce pavé de près de 200 pages, c'est sa densité. Souvent plus de 10 cases par planche, des dialogues qui prennent une part énorme, parfois envahissante, des scènes où deux actions se déroulent en parallèle, au premier et à l'arrière plan. L'ambition narrative est très affirmée, Valero ne cède pas à la facilité, elle en demande beaucoup au lecteur. Son investissement est total dans les détails de décors, la précision des foules, la complexité de l'intrigue. Son travail rappelle les albums réalistes de l'américain Will Eisner, et tout un tas d'influences de l'école espagnole. Graphiquement, ce deuxième tome est plus impressionnant que le premier. On peut juste regretter que l'abondance de bulles noie parfois de belles mises en page. Comme au premier tome, l'histoire est autonome et trouvera sa conclusion dans des explications complètes, dont la mise en scène peut d'ailleurs s'avérer frustrante puisqu'elle révèle littéralement ce qui s'est passé. Cela confirme que le suspense n'était qu'un élément du récit parmi d'autres, dont le cadre et le contexte historique sont la véritable colonne vertébrale. Un travail néo-classique plein de personnalité, qui plaira aux lecteurs exigeants prêts à s'investir dans un moment de lecture attentive.
