L'histoire :
Manon, étudiante à Bordeaux, revient passer l’été chez ses parents. Tandis qu’elle prépare son permis de conduire, elle découvre un foyer traversé par de sombres mystères. Son père, Denis reçoit à toute heure des appels insistants d’Amandine, sa belle-sœur. Il ne décroche jamais et prétexte des spams. Dans l’enfance, Manon partageait avec lui mille secrets, des cabanes improvisées aux rires complices. Mais attention : un oiseau quitte toujours son nid. Aujourd’hui, tout a changé. Amandine arrive à l’improviste pour passer le weekend avec eux pendant que la maman de Manon est partie en voyage d’affaire. Elle est enceinte. Elle prétend vouloir donner une place à cet enfant. Elle l’annonce à sa nièce sans lui avouer qui est le père. Puis, vendredi soir, Amandine disparaît sans explication, en laissant toutes ses affaires. D’étranges phénomènes se produisent : un carrelage fissuré se répare de lui-même ; une bouteille de parfum disparue réapparaît comme par enchantement… Que s’est-il vraiment passé vendredi soir pendant que Manon dormait ? Pour le découvrir, elle devra percer les secrets enfouis de sa propre famille.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Yann Le Bec met en scène un drame familial, en plaçant toujours la jeunesse au cœur de son intrigue. Une jeune femme, revenue au sein de la cellule familiale, n’est plus celle qu’elle était en la quittant. Elle échappe désormais à l’autorité de son père et n’éprouve plus d’intérêt à fréquenter ses anciens amis, restés sur place. La distance avec son milieu d’origine lui permet d’avoir un regard lucide sur ce qui se trame autour d’elle. L’auteur déploie avec finesse une mécanique de polar. L’intrigue, d’abord feutrée, se charge progressivement d’une atmosphère lourde, quasi oppressante, au fil de détails disséminés avec parcimonie. Le lecteur se trouve piégé dans un malaise grandissant : les rôles s’inversent. Celle qui apparaissait comme une anti-héroïne revêche, hautaine, difficile à apprécier, devient peu à peu la figure la plus sensée, la plus clairvoyante. En menant l’enquête, elle incarne cette tension paradoxale entre fragilité et lucidité, n’hésitant pas à soupçonner l’insoupçonnable. Graphiquement, les décors sont réduits à l’essentiel, ce qui recentre l’attention sur les personnages et leur densité psychologique. La colorimétrie, dominée par une opposition entre bleus froids et oranges incandescents, confère à l’ensemble une tonalité dramatique et oppressante, accentuant l’enfermement du cercle familial. À la fois polar et récit d’émancipation, l’ouvrage raconte la quête de liberté face au poids de la famille. Grâce aux renversements de rôle et à l’ambiguïté de ses personnages, l'auteur dépasse le simple drame intime pour toucher à l’universel.