L'histoire :
Les vacances s’annonçaient simples pour Sarah, Cassiopée et Lucille. Quelques jours à la campagne, loin du quotidien, dans un lieu isolé chargé de souvenirs. Mais très vite, l’ambiance se trouble. La forêt toute proche semble habitée d’une présence diffuse, alimentée par une ancienne légende venue de l’Est : celle du Liéchi, esprit ambigu, tantôt protecteur, tantôt menaçant. Tandis que les sœurs explorent leur nouvel environnement, une vérité familiale longtemps tue refait surface et bouleverse leur équilibre. Chacune réagit à sa manière, entre peur, incompréhension et besoin de réponses. Le séjour devient alors une parenthèse étrange où le réel et l’imaginaire se mêlent, et où les émotions prennent le pas sur l’aventure.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce huitième tome des Sœurs Grémillet, Giovanni Di Gregorio poursuit son travail sensible sur l’enfance et les émotions qui la traversent. L’auteur aborde ici un sujet délicat : la séparation des parents. Sans jamais tomber dans le pathos ni la simplification, le scénario capte les répercussions silencieuses de cette rupture sur trois sœurs aux tempéraments différents. Le récit avance avec pudeur, laissant la place aux non-dits, aux réactions instinctives et aux regards qui en disent plus long que les mots. C’est dans cette retenue que réside la force du scénario. L’introduction du fantastique donne à l’album une résonance particulière. Le Liéchi, créature issue des fables slaves, s’inscrit dans la tradition des esprits de la nature : ni totalement bienveillant, ni franchement malveillant. Cette figure agit comme une projection des peurs intérieures des jeunes héroïnes. La forêt devient un espace symbolique, un lieu où les angoisses prennent forme, où l’on se perd pour mieux se retrouver. Le conte sert ici de langage alternatif pour aborder ce que les enfants peinent à formuler face à la séparation : la crainte de l’abandon, la colère sourde, l’incertitude. Graphiquement, Alessandro Barbucci confirme son immense talent. Son trait fluide, expressif et immédiatement lisible confère aux personnages une grande justesse émotionnelle. Les visages sont particulièrement éloquents, capables de transmettre une tristesse, une inquiétude ou un apaisement en quelques lignes. Les décors alternent entre un quotidien rassurant et une nature plus dense, presque vivante, où les arbres et les ombres semblent observer les sœurs. Le dessin conserve une grande douceur, même lorsque l’atmosphère se fait plus sombre. La mise en couleur joue un rôle essentiel dans cette dualité. Les tons chauds et lumineux accompagnent les scènes familiales et les moments de complicité, tandis que des palettes plus froides et feutrées s’installent dès que la forêt et la légende prennent le dessus. Le découpage, très fluide, favorise une lecture confortable et immersive. Les transitions entre réel et imaginaire se font sans rupture, renforçant l’idée que le fantastique n’est jamais très loin des émotions humaines. Ce tome 8 confirme la maturité de la série. Les Sœurs Grémillet continuent de parler aux jeunes lecteurs avec intelligence, tout en touchant les adultes par la justesse de leur regard. En mêlant problématiques familiales et héritage du conte, Di Gregorio et Barbucci livrent un album délicat, profond et visuellement superbe, qui rappelle que grandir passe aussi par l’acceptation des bouleversements.
