L'histoire :
1971. Robert Bourassa vient d’être élu premier ministre du Québec. Pour remplir sa promesse de créer 100 000 emplois, il annonce « le projet du siècle » : la construction d’un vaste complexe hydroélectrique sur le territoire de la Baie-James, dans le nord du Québec. Ce chantier colossal, qui fera le génie et la fierté du peuple québécois, est confié à Paul Desrochers, le conseiller spécial de Bourassa. Cinquante ans plus tard, sa petite-fille Annie Desrochers prend la route avec ses trois garçons sur les traces de cet homme qui aura consacré sa vie à la politique, avant de mourir tragiquement en 1983 en se suicidant. La journaliste veut comprendre qui il était. La façon dont il est mort quand elle était enfant, le manque de réponses a impacté une bonne partie de sa vie. Qu’est-ce qu’on fait avec ce qu’on a reçu ? Comment surmonter un traumatisme ? Quelle énergie déploie-t-on à ne pas répéter ce qu’on a enduré ? Est-ce le même mécanisme pour une société ? Comment une collectivité fait la paix avec son passé ? Comment faire en sorte de ne pas répéter soit ce qu’on a subi, soit ce qu’on a fait subir aux autres ? Chemin faisant, ils prennent la mesure de la métamorphose radicale que les centrales hydroélectriques ont fait subir au territoire et à la communauté Crie qui habite la région depuis des millénaires…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Transmission est l’un de ces récits qui parviennent à concilier l’intime et le collectif sans jamais sacrifier l’un à l’autre. En reprenant la route vers la Baie-James avec ses trois fils, Annie Desrochers ne cherche pas seulement à comprendre un territoire ; elle tente de renouer avec la figure complexe de son grand-père, Paul Desrochers, acteur discret mais déterminant du gigantesque chantier hydroélectrique lancé au début des années 1970. Ce voyage familial devient le moteur d’une réflexion sur les traces laissées par les choix d’une époque qui croyait l’avenir infini. La force de l’album tient d’abord à la transparence de cette quête personnelle, qui aborde sans détour le suicide du grand-père. Desrochers cherche, questionne, doute et laisse au lecteur l’espace pour respirer avec elle. En parallèle, la BD revient sur le bouleversement qu’a représenté la construction des barrages pour les communautés cries et pour les paysages nordiques, rappelant que l’essor énergétique du Québec s’est édifié sur des cicatrices visibles et invisibles. Le dessin de Christian Quesnel amplifie cette double dimension. Ses planches, tantôt vastes et silencieuses, tantôt fouillées, créent un rythme où le présent dialogue constamment avec la Mémoire, avec des transitions qui donnent au récit la densité d’un véritable documentaire. En définitive, Transmission offre un regard honnête sur un héritage que le Québec peine encore à mesurer, tout en révélant la manière dont les histoires familiales et nationales s’entremêlent.
