L'histoire :
Le futur sera vert ou ne sera pas ! Toute la ville est en effervescence ! En effet, c’est aujourd’hui qu’est décerné le grand prix de l’homme de demain. Et cette fois, il va y avoir une grosse surprise. Car oui, cette année, le grand prix de l’homme de demain ne revient pas à une entreprise écoresponsable mais à Émile Tranchant… un SDF ! Mais pourquoi un SDF ? Pourquoi pas une entreprise qui travaille d’arrache-pied à rendre le monde plus beau et le vert plus vert que vert ? C’est une question de bon sens : Émile Tranchant ne travaille pas, donc il ne participe pas aux activités humaines qui détruisent la planète. Émile Tranchant ne possède pas de véhicule. Il ne conduit pas, donc il ne pollue pas. Émile Tranchant ne consomme pas non plus d’électricité, car il n’a pas de logement et encore moins un logement insalubre, une de ces passoires thermiques. Émile Tranchant ne se lave pas, donc il ne gaspille pas d’eau. Le présentateur est intarissable sur Émile Tranchant : il est clairement l’espoir des générations futures qui ne manqueront pas de s’inspirer de sa vie. La municipalité est heureuse d’avoir un homme comme lui dans ses rues. C’est bien simple : la mairie de la ville a décidé d’ériger une statue à la gloire d’Émile Tranchant au cœur de la ville pour le remercier d’être ce qu’il est, l’homme d’un demain écoresponsable. Une fois la statue érigée, les forces de l’ordre veillent : par respect pour Émile, aucun SDF n’est autorisé à dormir au pied du monument…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec ce recueil solidaire de la série Faut pas prendre les cons pour des gens, Emmanuel Reuzé et ses comparses replongent dans ce qu’ils savent faire de mieux : disséquer la bêtise ordinaire en la poussant jusqu’à son point de rupture, là où le rire devient un réflexe de survie. Cette édition spéciale pour la Fondation pour le Logement des Défavorisés rassemble les planches les plus engagées sur le sujet, choisies pour leur capacité à cogner juste sans perdre une once de causticité. Derrière le vernis du gag, c’est une réalité sociale brutale qui affleure : précarité, mal-logement, indifférence devenue réflexe collectif. Et si l’on rit beaucoup, c’est souvent pour ne pas grincer des dents… En effet, Reuzé, fidèle à son trait minimaliste mais redoutablement expressif, orchestre des situations absurdes où les robots font la manche plus efficacement que les humains, les PDG se confessent comme des drogués de l’optimisation fiscale et les écoles de « futures élites SDF » enseignent l’art de survivre dans l’oubli général. Le rire, ici, sert surtout de levier pour fissurer une mécanique que les auteurs s’emploient à démanteler, gag après gag. Qui plus est, le projet prend un sens particulier grâce à son engagement concret : pour chaque album vendu, deux euros sont reversés à la Fondation pour le Logement des Défavorisés. Les préfaces de Charline Vanhoenacker et Christophe Robert rappellent l’urgence, chiffres à l’appui. Mais c’est Reuzé qui enfonce le clou avec la seule arme qui bouscule vraiment : un humour noir implacable, qui pique et qui réveille. Voilà une lecture jubilatoire… et nécessaire !
