L'histoire :
En 1863, Degas, grand admirateur d’Ingres, intègre une bande de peintres révoltés contre l’académisme ambiant, qui s’organise pour exposer leurs tableaux interdits du Salon de Paris. Le photographe Nadar les accueille dans son atelier, au « Salon des refusés ». Scandale. Ceux qui se nomment alors « les intransigeants » – Monet, Renoir, Pissarro, Cézanne, Morisot… – heurtent les foules de l’inorthodoxie de leur lumière mouvante, leurs sujets en plein air, leurs touches de matière divisées. De nos jours, les visiteurs du Musée d’Orsay s’extasient devant leurs toiles impressionnistes, sous le regard attentif d’une gardienne protectrice, et rêveusement conteuse…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est à une visite bien singulière d’Orsay que nous convie Manuele Fior, dans ce récit encadré par une bouche de métro parisien. De ce lieu, l’auteur de 5000 kilomètres par seconde poursuit son travail sur un temps qui s’étend et se resserre à la fois, grâce à la mémoire individuelle ou collective. Il déploie en effet, avec une intense subtilité, différentes couches temporelles, à travers des personnages qui font de ce monument le théâtre d’une histoire de l’art. Deux femmes se retrouvent avec enthousiasme dans la gare construite à l’occasion de l’exposition universelle de 1900, une gardienne se métamorphose en Charmeuse de serpent d’un Douanier Rousseau et nous narre affectueusement la vie de peintres qui l’entourent. Le glissement d’une époque à l’autre, porté par le flux de voix de ces acteurs, crée une polyphonie atemporelle : visiteurs d’hier ou d’aujourd’hui, artistes du XIXème siècle, habitent encore et toujours cette demeure d’une peinture révolutionnaire en son temps. L’auteur italien, qui écrit pour la première fois en français, joue en outre avec humour sur l’anachronie de leur langage, brouillant d’autant plus les repères historiques. Car ce livre évite minutieusement le rapport fidèle au réel, en faveur d’une déambulation au cœur des couleurs, des lumières, des voix fantômatiques de ce lieu : les Variations sont musique et mouvements. Entièrement dessiné à la gouache, le récit mêle finement à la narration graphique – dont on reconnaît par ailleurs l’influence modiglianienne – certains tableaux, leur conférant ainsi une vie, bien éloignée du glacial accrochage muséal. Tout est chaleur dans cet album, des teintes aussi intenses que douces, à l’amour de l’art qui le traverse de part en part.
