L'histoire :
Il existe des morceaux qui ont marqué l’histoire par leur succès populaire et leur portée universelle. Nous avons tous en tête ces chansons que l’on entonne lors des rassemblements et qui se transmettent de génération en génération. Écrites pour dénoncer, éveiller les consciences ou rassembler, elles ont façonné l’histoire de la musique autant que celle de nos sociétés.
Strange Fruit, chantée par Billie Holiday pendant la ségrégation américaine, dénonce le lynchage des noirs, évoquant l’image insoutenable de deux adolescents pendus sous le regard de familles blanches venues « assister au spectacle ». Cette photo devenue emblématique a longtemps circulé comme symbole morbide de la prétendue supériorité blanche. Blowin’ in the Wind de Bob Dylan évoque également un lynchage, celui d’un adolescent en 1955.
On retrouve aussi Bella Ciao, entrée dans l’imaginaire collectif après la Seconde Guerre mondiale et remise au goût du jour par La Casa de Papel, avec une nouvelle portée anticapitaliste. Peut-être née en 1930 parmi les ouvrières mondine des rizières, ou écrite par un ouvrier agricole en 1951, son origine exacte reste discutée. D’autres chansons se font hymnes : Killing in the Name de Rage Against the Machine contre les violences policières ; Balance ton quoi d’Angèle contre les violences sexistes et sexuelles, devenu un chant féministe ; Baraye, repris dans les manifestations iraniennes contre la répression, notamment à l’encontre des femmes.
Le groupe NTM détourne Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux de Ray Ventura pour dénoncer la situation des jeunes de banlieue, entre absence de perspectives et violences policières impunies. Et l’histoire continue avec War, Beds Are Burning, Le Chant des Partisans, Le Déserteur, et bien d’autres encore.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette bande dessinée, est née de la rencontre entre un journaliste passionné de musique et un auteur de récits imaginaires. Elle propose un véritable tour du monde des « Chansons rebelles ». Chaque morceau y apparaît comme un cri : cri contre l’injustice, cri d’alerte, cri d’humanité. Derrière ces hymnes qui ont traversé les frontières et les décennies se révèlent des histoires de douleur, de lutte et d’espérance, que les auteurs condensent en chapitres courts et denses. En quelques pages seulement, ils restituent le contexte de création, la portée sociale et l’impact émotionnel de chaque titre choisi, parmi tant d’autres possibles. Cette richesse documentaire, parfois presque trop compacte, incite d’ailleurs à savourer l’ouvrage par fragments plutôt qu’à le parcourir d’une seule traite. Conçue comme une partition visuelle, la mise en page suit le fil des chansons plutôt que d’un récit classique, tandis que le dessin réaliste soutient efficacement le propos sans pour autant lui conférer un véritable charisme. Ce qui est malheureux, c’est à quel point ces chansons restent d’une actualité brûlante : face à la montée de l’extrême droite, aux violences policières, sexistes ou racistes, leurs révoltes résonnent encore, comme si rien n’avait vraiment changé. Un ouvrage didactique, passionnant et généreux, à offrir sans hésiter à quiconque. En bonus, un QR code permet d’écouter toutes les chansons évoquées dans la bande dessinée.
