L'histoire :
Créteil, 10 février 2017, 5h50. Le réveil sonne. Élise, 27 ans, se lève pour son entraînement quotidien. En pleine préparation du marathon de Paris, elle enfile ses baskets, descend dans la rue et commence son footing. D’abord tranquille, les pensées se bousculent : sa thèse, son stage à l’Inserm, cette année où tout doit se jouer. Puis vient le fractionné : l’effort est intense, mais elle tient. Encore deux kilomètres, et ce sera la délivrance : une douche chaude, un bon petit déj. Mais soudain, son corps lâche. Élise s’effondre sur le bitume. Elle reprend connaissance, confuse, persuadée qu’il faut vite rentrer, se doucher, filer au boulot. Pourtant, quelque chose cloche : impossible de se relever, son corps ne répond plus. Une femme s’approche, lui propose de l’aide. Son visage est-il déformé ? Tout va si vite : ambulance, diagnostic d’AVC. Pourtant, Élise n’a aucun facteur de risque. Les secours décident de l’emmener à Henri Mondor, l’hôpital où elle travaille. Dans l’ambulance, le protocole se déclenche : vitesse, urgence, intubation. C’est le début d’un autre marathon — pour la survie, cette fois.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec AVC, Céline Théraulaz signe un récit à hauteur d’humain, où la fragilité du corps devient le point de départ d’une exploration intime, presque sensorielle. Le récit, inspiré d’une histoire vraie, touche par sa pudeur autant que par sa précision documentaire. Ici, le temps est un acteur à part entière. On mesure la lenteur des progrès, la fatigue quotidienne, la répétition des efforts. C’est une course contre la montre pour retrouver un peu de soi : la parole, les gestes, la mémoire, la confiance. La temporalité post-AVC – comptée en jours, en mois, en séances – devient le fil conducteur d’une reconstruction physique mais surtout psychique. On vit de l’intérieur chaque émotion traversée par Élise et Louis : la honte, le doute, l’épuisement, mais aussi les micro-victoires qui redonnent espoir. Cette dimension introspective est portée par un dessin d’une grande délicatesse. Céline Théraulaz privilégie les silences, les regards, les gestes esquissés. Il y a dans la finesse du trait une justesse émotionnelle qui rend palpable l’intériorité des personnages. Rien n’est exagéré, tout est ressenti. Loin du pathos, AVC est un récit de résilience qui touche juste parce qu’il reste sincère, sobre et profondément humain. Une bande dessinée essentielle pour mieux comprendre ce que signifie vivre avec un handicap invisible – et tenter, chaque jour, de reprendre corps avec la vie.
