L'histoire :
Île de la Lande, estuaire de la Gironde, avril 2025. Alors que le printemps s’installe, Alexandra et Charles échangent lors d’une dégustation. Alexandra lui fait goûter un vin qu’il croit être un gamay. En réalité, explique-t-elle fièrement, l’assemblage provient des raisins de l’île, fruit d’une expérimentation audacieuse. Faute de volumes suffisants pour vinifier séparément deux lots de Cabernet Franc et Cabernet Sauvignon, elle a choisi de les fermenter ensemble avec des raisins blancs dans une même amphore. L’idée : élargir la palette gustative. Le résultat est jugé réussi et Charles salue l’initiative, tout en exprimant des doutes sur l’accueil du public face à un Bordeaux évoquant le goût d’un Beaujolais. Alexandra espérait davantage d’enthousiasme et s’étonne de ses réticences. Lui défend sa Pinardière, qui met déjà en avant vins nature, biodynamiques et sans sulfites, mais trouve la démarche trop expérimentale. Alexandra ramène Charles en bateau jusqu’à Bordeaux. Le même jour, quartier Saint-Pierre, une jeune femme blonde, Emma Mesnil, traverse la place du Parlement avec sa valise. Elle entre chez un caviste et demande à voir Thierry Frappat, bien qu’il n’ait aucun souvenir d’un rendez-vous fixé. Emma explique être venue le rencontrer après lui avoir envoyé des bouteilles restées sans réponse. Elle en ouvre une sur place afin de lui faire découvrir le vin en question...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Difficile de résister à un titre aussi piquant que Bordeaux Bashing. Car derrière l’expression, qui traduit le plaisir parfois cruel de dénigrer le vignoble bordelais, se cache une réalité : Bordeaux suscite autant de fascination que de critiques, entre jalousie et convoitise. Dans ce 13ème tome, Corbeyran ose aborder de front les failles et les forces d’un terroir mythique. Il revient sur l’influence décisive – et controversée – de Robert Parker, le critique américain qui a contribué à standardiser les goûts et à propulser certains crus au rang de références mondiales. Mais il montre aussi les revers de ce succès : flambée des prix, perte d’accessibilité, crises liées à la surproduction ou aux arrachages de vignes, sans oublier les gelées qui menacent régulièrement les récoltes. L’album, dense et généreux (78 planches, une véritable « grande réserve »), mêle pédagogie et intrigue. On y découvre un Bordeaux en quête de transition, explorant les réseaux sociaux, cherchant à séduire de nouveaux publics sans trahir son identité. En parallèle, Corbeyran glisse des thématiques plus intimes : la relation d’Alexandra avec son fils adolescent, ses doutes et ses espoirs, sa confiance placée dans les jeunes générations pour inventer l’avenir du vin. Le récit se lit comme une dégustation progressive : chaque planche ajoute une nuance, une note, un arôme qui enrichit l’ensemble. Le dessin d’Espé, précis et atmosphérique, accompagne parfaitement le propos en installant une ambiance chaleureuse qui donne envie de sentir la vigne. Avec ce 13e tome, Château Bordeaux confirme sa régularité : une saga toujours bien élevée, raffinée sans être prétentieuse. Une cuvée de rentrée généreuse, qui donne envie de prolonger la dégustation… jusqu’au prochain millésime.