L'histoire :
A 17 ans, avec des origines iraniennes et une silhouette plutôt sexy, Roxane Blanc prépare son bac dans un lycée parisien plutôt « bourgeois ». Elle est une lycéenne normale… à cela près qu’elle mène une activité légèrement lucrative sur le dark web sous le pseudo de « Soap ». Contre des paiements en bitcoins – une cryptomonnaie, intraçable – elle sert en effet d’intermédiaire pour la fourniture de faux papiers entre fournisseurs et clients sur la plateforme « Porte noire ». Dans ce milieu dématérialisé, tout le monde respecte la sacrosainte loi du virtuel, des pseudos et de l’anonymat. Elle l’ignore, mais une police du numérique, spécialement formée pour piéger les trafiquants sur le dark web, est à l’affut. Ils ne sont que 5, mais ils sont motivés. Un jour, Soap (Roxane) est contactée par Odin qui lui demande 20 CNI (Carte d’identité Nationale) en urgence, pour des réfugiés qui en ont un besoin vital. Peu importe le prix. L’unique hic, c’est qu’il souhaite payer en cash… ce qui impose un rdv IRL. C’est-à-dire une rencontre « In the Real Life », quelque part en France. Roxane hésite à poursuivre la négo sur son smartphone. Les IRL sont fondamentalement interdits par les lois du dark web, car ils constituent des failles à l’anonymat et peuvent faire s’écrouler de vastes circuits transactionnels. Mais outre la rémunération intéressante, cette histoire des réfugiés parle à Roxane, étant donné le parcours pénible de sa mère, jadis, pour sortir d’Iran. Roxane contacte donc son fournisseur, un certain « Gaz » qui écrit en phonétique. Et elle accepte la rencontre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si vous n’êtes pas usager du dark web, vous ne savez pas ce que signifient IRL. « In the Real Life » est l’écueil piégeux à éviter absolument pour tous les trafiquants de cet Internet parallèle permettant le commerce illégal (drogue, virus informatiques, œuvres numériques, faux papiers, armes…). Une jeune héroïne, une lycéenne d’apparence normale, à qui on donnerait le bon dieu sans confession, se retrouve « doxée », c’est-à-dire que sa réelle identité est révélée. Elle doit alors se démêler avec des répercutions tragiques : traquée par la brigade numérique d’un côté, par un faux client menaçant de l’autre, elle doit aussi donner le change à ses parents et ses camarades de classe… et tente une alliance pour contre-attaquer avec son « fournisseur ». Marc Eacersall tisse un thriller passionnant, aussi pédagogique sur le fonctionnement (et le vocabulaire) de la cybercriminalité, que palpitant en raison de l’attachement qu’on porte à Roxane, alias Soap, une simple ado... comme beaucoup d’autres acteurs du dark ! Cela est très bien documenté et crédible, étant donné que le co-scénariste Henri Scala est un authentique commissaire de police parisien qui a été en charge de la répression de la cybercriminalité. La tension monte progressivement et le réalisme trouve une traduction graphique idoine à travers le dessin de Jérôme Savoyen, dont c’est ici la première BD ! Les décors urbains sont recopiés à partir de lieux réels (à Paris et Tours) et les personnages d’influence manga ont un aspect proche de celui de Vanyda.
