L'histoire :
En mai 2001, sur le plateau d’une TV belge, l’ancien mercenaire Gérard Soete avoue, dans ses vieux jours, avoir été l’un de ceux qui ont fait disparaître le dirigeant congolais Patrice Lumumba, 40 ans plus tôt. Il le prouve en montrant la dent qu’il a pris soin de lui arracher avant de dissoudre son cadavre dans l’acide. Retour en arrière. En mai 1952, fier de son nouveau statut civil d’autochtone « évolué », le jeune Lumumba se rend à un entretien d’embauche dans une usine. Sa femme Pauline lui a sélectionné une belle cravate et il prend soin de monter à l’arrière du taxi qui le conduit, comme s’il était un des blancs colonisateurs du pays. Quand le vigile de l’entrée lit son passeport, il cesse de le tutoyer. Lumumba est cultivé, intelligent et formé au management occidental. Son entretien n’est qu’une formalité : les dirigeants l’accueillent comme s’il était l’un des leurs. Lumumba rentre chez lui ravi, avec un sentiment de supériorité qui l’arrange autant qu’il l’embarrasse. Tout faire comme s’il était un blanc aura fini par payer, mais cela ne signifie pas qu’il épouse au fond de lui la mentalité colonialiste. Loin de là. Lumumba est en effet très déterminé pour révolutionner les choses de l’intérieur, pacifiquement mais fermement, en rendant la fierté et la nation congolaise aux « indigènes »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette Dent du titre est tout ce qui reste aujourd’hui de Patrice Lumumba, premier Premier Ministre du Congo au moment de la décolonisation (1960), et mort assassiné un an plus tard. Passé le flashforward de 2001, le scénario de Nicolas Pitz nous brosse une biographie de ses 9 dernières années, à partir de sa vie active, c’est-à-dire à partir du moment où il reçoit le statut de noir autochtone « évolué » (1952), qui lui conférait le même niveau social que les blancs belges colonisateurs. Initialement rangé à la doctrine occidentale, Mumumba se mue progressivement en décolonisateur, une sorte de révolutionnaire qui tente de faire changer les choses de l’intérieur, pacifiquement, mais sans mâcher ses mots, avec une grande détermination. Il ne restera au pouvoir que 3 mois, puis sera accusé d’être responsable des morts lors des mouvements citoyens. Abandonné par l’ONU, il sera soutenu par les soviétiques et finalement arrêté, torturé, assassiné et dissout dans l’acide, par des congolais opposants à la solde des belges. Cette biographie partielle est éclairante, mais… reste partielle. Pierre Lecrenier la découpe sur un rythmé linéaire impeccable et la met en images de manière simple et limpide, la plupart du temps sans décors (majoritairement des dégradés ocre-jaunes), pour se concentrer sur les personnages, semi-réalistes et peu expressifs.