L'histoire :
Olivier Ledroit vient du milieu ouvrier. Gosse, il vivait dans une cité-dortoir où il n'y avait qu'un supermarché et un bureau de tabac. Avec son argent de poche, il achète Zembla, ce dérivé « cousin italien » de Tarzan. Comme tous les gosses, il va voir les Disney au cinéma. Il dessine les personnages et revend ses dessins pour s'acheter des bonbecs... Puis il regarde Goldorak et Albator à la télé. Après, il lit tout ce qui passe dans Pif Gadget. Au collège, il a sa période Strange et il dessine encore et encore, utilisant même un livre de dessins d'anatomie par De Vinci. Livre qu'il possède encore, d'ailleurs... Puis quand paraît Conan le Barbare en France, il découvre et adore les dessins de Barry Windor Smith et de John Buscema. Il commence ses études de dessin à Paris et se destine à être illustrateur, mais il arrête les cours assez vite pour travailler tout seul chez lui. C'est là qu'il se rend à un salon de jeux de rôle. Par l'entremise du rédac-chef de Casus Belli, il est présenté à François Froideval. Les Chroniques de la Lune Noire, en qui pas grand-monde ne croit, paraissent chez Zenda. 1000 exemplaires vendus en une semaine. Un deuxième tirage, un troisième... C'est un succès immédiat. Le reste... c'est dans ce bouquin !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La Nef des Songes est le troisième Artbook consacré à l'auteur. Peut-on s'interroger sur son intérêt ? On garde en tête le critère décisif quand on parle d'un auteur de BD : on pose un regard sur un dessin et, immédiatement, on sait de qui il s'agit. Olivier Ledroit, que l'on aime ou pas ses œuvres, est de ceux-là. Voilà qui légitime tout ce qui est publié à son sujet. L'atout fondamental de ce livre est qu'il est conçu comme une rétrospective la plus complète possible. Le chapitrage correspond en effet à une plongée dans ses séries, abordées une par une. Tout commence bien sûr avec le succès immédiat des Chroniques de la Lune Noire. Ledroit a alors 18 ans et il jette un regard lucide sur ses débuts. La liberté dont il a besoin et qu'il acquiert avec le succès commercial (c'est fou quand on vend bien comme on est moins emmerdé avec les conseils donnés par ceux qui pensent être légitimes à les donner), l'énergie qu'il y met et aussi les premières frustrations. On apprend qu'il se sent bridé dans sa créativité par Froideval et que l'un et l'autre passent une bonne partie de leur temps à se faire respectivement des coups vaches lors de l'élaboration des albums. Son goût pour la liberté et sa motivation extrême à être reconnu, quand la critique défonce la série, la faisant passer pour une BD bas de gamme, l'amènent à vite vouloir passer à autre chose. Il co-crée Xoco, avec Thomas Mosdi et change radicalement de style graphique. Il devient légitime à ses propres yeux en réussissant son pari artistique et se rend compte que son public le suit . Il en va ainsi du reste de ses créations. Olivier Ledroit ne se regarde pas le nombril, mais regarde son parcours droit dans les yeux, en nous en donnant sa lecture. A travers des entretiens passionnants, on apprend les rencontres qu'il fait, le contexte des influences qui le nourrissent, ses visions d'artiste et ses goûts d'homme (indémêlables). Il nous explique aussi ses techniques, ses expérimentations, le but artistique vers lequel il tend et celui qui l'anime. Bien sûr, le livre regorge d’illustrations, toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Il est fort peu probable que vous ne connaissiez pas Olivier Ledroit si vous aimez la BD, mais ce livre vous donnera le sentiment de non plus connaître une de ses BD, mais de mieux en connaître l'auteur.
