L'histoire :
1982. Un médecin s'adresse à son patient qui est victime d'une paralysie de la main droite suite à un infarctus. Un verdict cruel pour cet homme qui n'est autre que Miles Davis. Le trompettiste ne pourra plus jouer pendant quelque temps. Pour accélérer le processus de guérison, il lui recommande le dessin comme outil de rééducation. Miles Davis rechigne. Il est musicien, pas dessinateur. Son job, c'est de faire danser les sons entre eux, pas de coucher sur papier ses fulgurances créatives. Et pourtant, Miles va écouter son médecin... Il explore cette nouvelle forme d’expression comme il avait exploré les territoires du jazz, avec une intensité obsessionnelle. Il noircit des dizaines de carnets, dessine des corps en mouvement, des musiciens, des chevaux, mais surtout des femmes. Entre temps, il se souvient... quand il était enfant et de cette hallucination lumineuse qui tranchait le ciel. Il se souvient de son arrivée à New York en 1944, contre la volonté de sa mère, pour intégrer la prestigieuse Juilliard School. À peine débarqué, il recroise Dizzy Gillespie et Charlie Parker, qu’il avait déjà accompagnés un an plus tôt à Saint-Louis, par un incroyable concours de circonstances. Pendant des années, il gravitera dans leur sillage. Charlie Parker dormira même chez lui.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« Je vois des couleurs et des choses quand je joue » Miles Davis, figure mythique du jazz au XXe siècle, était un génie de la trompette, qui lui a valu sa renommée planétaire. Kind of blue, BO du film Ascenseur pour l’échafaud, Bitches Brew... autant d'albums qui ont construit sa légende. Ce roman graphique a l’élégance de ne pas tout raconter. Il s’ancre dans un moment méconnu de la vie de Miles Davis – son infarctus en 1982, la paralysie temporaire de sa main droite – pour mieux explorer, par fragments, le passé incandescent du musicien. Cet angle narratif inattendu donne au récit une respiration particulière, une tension intime : à travers cette épreuve physique, Davis revient sur sa trajectoire, ses rencontres avec Charlie Parker, Dizzy Gillespie, sa muse Juliette Gréco, son obsession du son pur, sa fascination pour les femmes et son goût prononcé pour l'héroïne. Dave Chisholm – trompettiste, compositeur et dessinateur – adopte une narration impressionniste, quasi jazzistique, faite de ruptures, de silences, de fulgurances. Le récit épouse les syncopes du musicien, sa part hallucinée, ses vertiges créatifs. C’est une BD sensorielle, sensitive, qui cherche moins à tout expliquer qu’à faire ressentir ce que signifiait être Miles Davis. Graphiquement, l’album mêle un trait comics maîtrisé à une palette foisonnante et vibrante. Les couleurs captivent, traduisent les modulations intérieures, les fractures comme les résurrections. À travers ce biopic audacieux, on devine l’homme derrière le mythe. Et surtout, c'est un bel hommage à la quête d’absolu d’un génie jamais à l’arrêt.