L'histoire :
Dans l’Empire d’Océanie, Winston Smith, un homme d’environ quarante ans, mène une existence terne et sous constante surveillance. Employé au Miniver — le ministère de la Vérité — il rentre chaque soir à son appartement de la résidence de la Victoire, un lieu comme tant d’autres, entièrement contrôlé par le Parti. Grâce aux télécrans, aucun geste, aucun son n’échappe au regard de l’autorité. La police de la pensée peut intervenir à tout moment, dans n’importe quel logement, pour scruter le moindre signe de dissidence. Winston, épuisé par cette omniprésence du contrôle, ne possède aucun espace privé, si ce n’est une petite alcôve dans son appartement et les recoins les plus secrets de son esprit. Un jour, il découvre dans une boutique un vieux carnet vierge. Malgré le risque – écrire librement étant passible de mort ou de 25 ans de travaux forcés – il l’achète. Il commence à y consigner ses pensées dès le 4 avril 1984. Tout débute lors d’une réunion organisée par le Parti : la Journée de la Haine. En observant la foule, Winston prend conscience de son aversion profonde pour Big Brother et tout ce qu’il incarne. C’est aussi ce jour-là qu’il remarque chez O’Brien, un membre influent du Parti intérieur, un regard étrange. L’espace d’un instant, Winston croit y voir le même rejet, la même colère contenue. Et il commence à espérer ne pas être seul à douter du système…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jamais 1984 n’a semblé aussi actuel. À l’heure où les libertés vacillent et où la surveillance se banalise, cette adaptation graphique signée Matyáš Namai tombe comme un avertissement visuel. Comme on pouvait s’y attendre, 1984 ne se lit pas d’une traite, il s’infiltre, lentement, comme une pensée interdite. Il s’insinue dans les plis de la mémoire et laisse insidieusement son empreinte. Cette version ne trahit rien du roman d’Orwell. Elle en épouse les lignes, les fêlures et redonne chair à un monde dystopique que l’on croyait connaître. Big Brother est là, tout le temps, dans chaque case, dans chaque silence. La police de la Pensée, la novlangue, la double pensée : autant de concepts traduits non pas par l’explication, mais par l’émotion. Le dessin capte les regards vides, les murs qui écoutent, les télécrans ou l’air qui manque. C’est sec, tendu, suffocant – et pourtant, on tourne les pages presque malgré nous. Du point de vue graphique, le trait est net, précis, mais souvent brutal, façon comics. Le noir et blanc domine, oppresse, encercle tandis que le rouge, discret et éclatant à la fois, surgit parfois comme une gifle ou une alarme à la façon d’une insistance visuelle, préfigurant le danger. Au final, cette BD n’adoucit rien de l’œuvre initiale d’Orwell. Elle restitue, sans filtre, la mécanique totalitaire dans toute son horreur glacée. C’est une claque qu’on reçoit. Et qu’on n’oublie pas !