Eksploracja

L'histoire :

Personne ne l’a vu venir et ne s’attendait à une chose pareille. Pourtant, quand cet étrange phénomène commence à attaquer les gens, tout le monde finit par s’y intéresser. En effet, les animaux, puis les humains, disparaissent un à un, à la vitesse de l’éclair, en se dématérialisant aussi facilement qu’un grain de poussière. Les réactions à cet événement sont multiples et différentes. Mais personne ne veut vraiment comprendre ce qu’il se passe. Seuls deux hommes cherchent les réponses dans l’univers. Pour inverser cette lente agonie, il faut trouver les anciens de matière, enfouis au sein de l’univers. Ce sont les seuls receleurs de molécules extrêmement stables du système solaire. S’ils trouvent ces molécules, ils pourront créer le stabilisateur de matière. Il n’y a donc pas d’autres choix : il faut envoyer des personnes dans un vaisseau pour sauver la Terre. Des enfants sont désignés à bord de l’Eksplo-3003. Le voyage va durer 50 ans, durant lesquels les explorateurs d’un nouveau genre vont vieillir de dix ans. L’aventure commence pour une mission qui s’annonce décisive pour la survie de l’humanité...

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

En voilà une drôle de bande dessinée, et pas seulement par son titre ! Julie Michelin propose une œuvre de science fiction proche du merveilleux scientifique qui pousse la physique jusqu’à tordre la réalité et les corps. Eksploracja est une vraie exploration d’un monde futuriste plein de plantes et de molécules bizarroïdes. A vrai dire, on ne sait pas vraiment où tout cela peut nous mener et ce voyage galactique est un peu désarçonnant. En effet, le rythme lent et les scènes étranges ne convainquent pas vraiment. La faute peut-être également à un dessin très particulier. Même si le thème explore les changements de formes et de perspectives, le graphisme peine à nous emporter. On sent bien un style à travers ces couleurs aquarelles mais on s’évade difficilement à travers ce trait un peu « naïf » ou caricatural. A mi-chemin entre onirisme, conte (une scène rappelle furieusement Alice aux pays des merveilles), merveilleux scientifique et roman graphique, cet ersatz protéiforme est une exploration très spéciale...

Ce qu'un autre en pense sur la planète BD :

La maquette de ce bel album interpelle tout d'abord : beaucoup de savoir-faire dans le façonnage de cet écrin coloré portant haut l'aspect graphique. Julie Michelin est passée par les arts-déco de Strasbourg et l'EESI d'Angoulême avant d'intégrer la villa Belleville où elle anime entre autre des ateliers de sérigraphie, et cela se voit. Cela dit, c’est le fanzine Obsidienne Magnétite (Mégot éditions) qui l’a révélée en 2014 et où elle a commencé à élaborer un univers fantasmagorique. Dans Eksploracja, l'autrice prend le temps de développer son propos et les lecteurs d'Aama (Frederik Peeters), ou le Tribut (Jean-Marc Rochette) ne seront pas trop dépaysés quant à l'approche scénaristique débridée, s'autorisant un beau voyage dans l'espace-temps, poussant cependant plus avant encore que ses collègues dans les méandres de nos esprits. L'album Crépuscule de Jérémy Parodeau (2024) ou surtout son aspect graphique moderne stylisé, peut aussi se poser en référence, bien qu'il soit ici davantage ébauché, « adolescent » et que ses couleurs foisonnantes très liquides « bavent » littéralement sur les pages. Un liquide quelque peu plastique aussi, dont l'élasticité est un élément essentiel du récit, ou plutôt des êtres étranges croisés sur cette planète lointaine. « Êtres chats » se dérobant derrière une sorte de combinaison d'invisibilité, au pouvoir de permutation et de transformation sans limites. D'abord effrayés, puis étonnés, les terriens laisseront finalement place à de la compréhension et à de la reconnaissance, pour un sauvetage hyper symbolique. C'est en tous cas une certaine idée que chacun pourra s'en faire, car ce que Julie Michelin a souhaité nous dire, tient à la fois de l'intime et de l'universel. Une exploration des corps et des âmes, qui ne laisse pas indifférent. Un choc esthétique et philosophique.