L'histoire :
Le jeune berger Tirésias vit avec sa mère Chariclo. Alors qu’il fait paître son troupeau, il sépare deux serpents en train de s’accoupler. Puis, attiré par une femme en train de prendre son bain sous une petite cascade, il s’approche. Ce n’est autre que la déesse Athéna, nue. Deux malheurs à la suite, le jeune garçon s’enfuit mais un terrible mal le prend au ventre. Il soulève sa robe et s’aperçoit qu’il est devenu une femme. Sa mère, Chariclo, n’est pas étonnée. Il aura été puni pour l’une ou l’autre de ses erreurs. Les dieux sont ainsi. Elle est même plutôt contente, elle qui avait toujours voulu une fille. Les jours suivants, la métamorphose du berger se développe. Son corps s’affine, ses pieds, ses mains, sa voix a changé. Il peut aller aux bains avec sa mère, prendre les conseils des femmes libres de la région. Il apprend à être une femme, à souffrir et saigner une fois par jour, à ressentir les choses plus intensément. Et un jeune homme s’intéresse à elle. Enfin, un homme... façon de dire. Car il a tout de même des petites ailes à ses sandales…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tirésias est l’un des personnages les plus intéressants de la mythologie grecque. On le retrouve dans certaines grandes tragédies, comme la tragédie thébaine, ou celle d’Oedipe. Dans l’Odyssée, Ulysse le convoque du royaume des morts, où il a gardé ses facultés à la demande de Perséphone. Il existe différentes versions du mythe de Tirésias, dans lesquelles il est puni par Athéna pour l’avoir vue nue, ou puni pour avoir accidentellement tué la femelle lors d’un accouplement de serpents. Ovide, dans ses Métamorphoses, le fait rendre aveugle par la colère de Junon. Camille Bordes mélange les mythes à loisir, mais fait du serpent un début et un fil conducteur. Car un serpent jaune va communiquer avec Tirésias durant toutes ces années. Le changement de sexe de Tirésias est au cœur du récit de Camille Bordes qui en profite pour explorer les questions de la féminité, de la maternité, des liens entre les hommes et les femmes, de la religion. Le ton est apaisé, la violence est absente. Le dessin aussi est extrêmement doux et les tons pastel. Tout est fait pour envelopper le lecteur et lui offrir une expérience de réflexion personnelle dénuée de passions violentes. C’est un beau moment de poésie et de légèreté.