L'histoire :
Il y a une quinzaine d’années, par une chaude journée d’été, dans un quartier pavillonnaire français, les jumeaux Romain et Lukas jouent dans l’allée située devant leur maison. Leur jeu est morbide : ils s’amusent à faire semblant d’être mort et se prennent en photo avec des attitudes cadavériques. Lukas rentre dans la maison pour prendre une boisson au frigo, pendant que Romain joue au ballon. Corinne la baby-sitter mange des chips en regardant une série télé dans le noir. Soudain, un crissement de pneus provient de l’extérieur. Lukas comprend d’instinct ce qui vient de se produire. Il lâche la bouteille de coca qu’il tenait entre ses mains. La bouteille casse, le liquide se répand sur le sol. Tandis que Corinne court dehors au secours de Romain, Lukas s’écorche les pieds en marchant sur le verre brisé, lentement vers la scène d’horreur à l’extérieur. Son frère vient de mourir, renversé par une voiture. 15 ans plus tard, Lukas fait un périple en solitaire en camping-car en Australie, à la poursuite d’un projet d’étude sur la représentation photo des animaux écrasés sur les routes. Ce jour-là, alors qu’il s’est garé au bord d’un littoral, il se lève comme tous les jours avec l’aube pour faire son jogging. Il prend un café, avale ses cachets et commence sa journée de reportage et de montage. Le soir, il a rendez-vous en visioconf avec sa psy.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
D’ordinaire, à l’évocation d’un Huis-clos, on se représente au moins 2 personnes enfermées dans une pièce, pour une tension psychologique. Avec ce roman graphique de Naomie Reboul (précédemment dessinatrice de Iris, deux fois), on a bien les deux personnes, en duo quasi exclusif pour une sacrée tension psychologique… mais en guise de pièce fermée, ce sera le désert australien. C’est-à-dire un espace on ne peut plus ouvert, quoique particulièrement angoissant, surtout lorsqu’on y est perdu avec des ressources vivrières limitées et un compagnon « instable ». La première personne, Lukas, souffre donc d’un trouble grave, lié à la mort accidentelle de son frère jumeau, lorsqu’il était enfant. Une séquence d’intro en flashback reviendra par courtes bribes sur ce trauma d’ampleur. Suivi en distanciel par une psy et sous traitement médicamenteux, Lukas poursuit un « projet d’étude » pour le moins incongru, mais explicite quant à l’origine de son trouble : il fait une collection de photos de cadavres d’animaux morts sur les routes. Il se prend alors d’affection pour un gars de son âge, Paul, plutôt du genre branleur mais beau gosse… et c’est là que les ennuis commencent. Et c’est aussi là qu’on va éviter de vous divulgâcher cet épais one-shot de 250 pages, une « quête de soi » soit suicidaire, soit salutaire, qui se lit tout de même vite, en raison de ses dialogues limités. Le dessin se contente d’un rough rehaussé par une colorisation au lavis, mais qui conserve apparents les traits primaux au crayon de papier. C’est certes un peu minimaliste, notamment lorsqu’il s’agit de saisir l’expressivité, donc l’état d’esprit, des deux protagonistes, mais cela a aussi le mérite de renforcer le mystère de leurs intentions.