L'histoire :
Hiver 2019. Miriam, maman solo, vit à Paris avec son petit garçon Marcus. D’origine camerounaise, elle a grandi à Yaoundé, la capitale, avec ses parents et ses frères et sœurs, jusqu’en 1991. À cette époque, le pays est secoué par de violentes émeutes opposant le peuple camerounais au gouvernement de Paul Biya. Face à l’insécurité grandissante, elle part en Guadeloupe avec sa mère et ses frères et sœurs. Son père, resté au pays, cesse peu à peu de donner des nouvelles. Un jour, un cousin perdu de vue depuis longtemps l’appelle pour lui annoncer que son père est hospitalisé. Miriam décide alors de retourner au Cameroun, pour la première fois depuis trente ans, pour son fils, et pour obtenir enfin des réponses aux questions restées trop longtemps en suspens. Mais son père, peu coopératif, garde le silence. Déterminée, Miriam part interroger les villageois qui l’ont connue enfant. Accompagnée de Marcus, elle découvre auprès d’un voisin que son père était autrefois studieux et ambitieux, mais qu’il s’était brouillé avec son meilleur ami, Félix, à cause de divergences politiques. Sa tante, elle, lui révèle que son grand-père avait été emprisonné, accusé à tort d’avoir aidé les rebelles. Miriam apprend aussi que son père avait tout fait pour devenir haut fonctionnaire et obtenir assez de pouvoir pour libérer le sien. Il aurait soutenu le parti au pouvoir, se rangeant du côté des « Camerounais évolués » pro-français, considérés comme des traîtres favorables aux anciens colons… Du moins, c’est ce qu’il semblerait…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Entre thriller et récit historique, Annick Kamgang, autrice complète pour la deuxième fois, nous livre un récit haletant et documentaire. Elle déconstruit le mythe d’une décolonisation pacifique en Afrique subsaharienne francophone. Les crimes de l’impérialisme français au Cameroun, commencés avec une guerre sanglante dans les années 1950, se sont perpétués à travers les régimes autoritaires mis en place par la suite. La bande dessinée témoigne également d’une violence tue face au régime autoritaire de Paul Biya, héritier direct de la guerre dite « d’indépendance », mis en place avec la bénédiction de la France. L’histoire familiale de Miriam pourrait être celle de nombreux Camerounais. Ici, la petite histoire bouleverse la grande : celle que l’on apprend dans les livres, que l’on accepte de nous raconter, celle que le gouvernement veut bien reconnaître, face à celle que les gens ont réellement vécue, la véritable. La structure du récit reflète cette histoire : elle n’est pas linéaire. L’enquête de Miriam bifurque, prend d’autres directions, change de tournant. Le graphisme, quant à lui, est simple et efficace : le noir et blanc rehaussé de bleu permet d’aller à l’essentiel et de se concentrer sur le scénario. Une lecture à mettre entre les mains de nos dirigeants, afin qu’ils reconnaissent leurs responsabilités et entreprennent enfin une réparation.
