L'histoire :
Viktoria Maria, jeune femme noire américaine d’origine italienne vit seule avec son chat dans un appartement. Elle souffre de solitude, jusqu’au jour où elle découvre avec émerveillement un groupe de femmes âgées pratiquant la natation synchronisée. En tant qu’aquaphobe, la piscine municipale n’est pas un lieu qu’elle fréquente habituellement. Ces femmes retiennent son attention, car elles l’inspirent, elles semblent si libres dans l’eau, ce qui donne envie à Viktoria de s'inscrire et de les connaître. Elle rencontre ainsi : Loize au corps recouvert de tatouages et de cicatrices, Claire la militante et Reba l’ancienne juge. Elles sont toutes très différentes. Elles se sont rencontrées dans les bassins et partagent maintenant beaucoup de leur temps libre ensemble. Au détour d’une conversation, Viktoria apprend qu’un lourd secret ronge Claire. Elle enquête alors sur le passé de son amie et apprend que Claire a changé de patronyme après des années passées en prison. En tant que femme noire et militante pour les droits civiques, elle a été accusée à tort par un jury d'hommes blancs d'avoir tué son nourrisson, mort subitement. Les histoires personnelles de ces femmes, ainsi que leur position dans la société, les rassemblent. Elles se soutiennent et se défendent. Elles ont réussi à donner un sens à leur peur pour avancer la tête haute. Derrière chaque personne âgée se cache un enfant, une vie et des traumatismes. Grâce à elles, à leurs histoires et à leurs forces, Viktoria renoue avec son passé et accepte de vivre libre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'autrice Valentina Grande est une femme de lettre, à la fois professeure de littérature à Boulogne, animatrice radio et autrice de plusieurs bandes dessinées. Elle a déjà publié de grand portrait de femmes : celui de Gertrude Stein et de plusieurs artistes plasticiennes appartenant au mouvement de l’Art féministe. Elle dresse ici avec délicatesse une histoire de sororité inter-générationelle, de femmes qui subissent la domination masculine, le racisme et la standardisation. A travers son récit, Valentina questionne le rôle des femmes au sein de la société, voire la simple définition de leur rôle. Elles sont devenues mères parce que c’était ce qu’on attendait d’elles, mais elles assument de dire qu’un enfant est aussi un obstacle pour une femme, même si elles en paient les conséquences. De plus, si elles ont le malheur de faire carrière, elles portent le poids de la culpabilité d’avoir délaissé le foyer familial. Sans parler de l’auto-flagellation des privilégiés (hommes et/ou blancs) à qui il faut pardonner. Cette BD a donc plusieurs messages, qu’il est percutant de lire et de relire. Francesco Dibattista est un peintre, dessinateur et illustrateur. Il avait déjà fait un portrait de femme sous l’emprise dévastatrice d’un homme, dans Il m’a volé ma vie (chez Glénat). Ici il ajoute des nuances et de la couleur au paysage. Ses dessins demeurent toujours aussi ronds, avec des trames de points empruntés au manga pour créer des ombres et du relief. Le récit et le graphisme sont accessibles et méritent l'attention du plus grand nombre.
